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C’est cependant le même gouvernement qui rêverait, s’il fallait en croire quelques proclamations insensées, des démonstrations militaires contre les États-Unis. Que le Mexique y songe, il y va de son existence comme nation. S’il faisait la folie d’attaquer la confédération, il suffirait, non pas d’une division de l’armée américaine, mais de quelques centaines de ces aventuriers qui abondent sur les frontières des États-Unis, pour désorganiser, les provinces limitrophes, les ouvrir à la contrebande, et mettre à nu l’irrémédiable faiblesse du gouvernement mexicain. Il faut faire des vœux pour qu’un peu de sagesse rentre dans les conseils de cette malheureuse république, et n’amène pas le jour d’une dissolution définitive.

L’ambition des États-Unis n’a qu’à avoir un peu de patience ; elle sera satisfaite. Si les États-Unis, convoitent la Californie, ils n’ont pas besoin d’en brusquer la conquête : ils devront la Californie aux mêmes procédés qui leur ont donné le Texas, car, en la peuplant, en la colonisant, ils s’en emparent en détail. Au surplus, la presse américaine ne s’en cache pas, elle considère la Californie comme destinée à faire bientôt partie de la confédération, elle invite les colons américains à s’y faire naturaliser, elle prêche l’émigration dans cette belle province : c’est une croisade colonisatrice. Enfin, c’est à San-Francisco, en pleine Californie, qu’aboutira ce gigantesque chemin de fer dont les journaux américains nous ont fait connaître le plan.

Que de questions tous ces faits soulèvent ! Les États-Unis auront-ils cette ardeur de conquête qui caractérise d’ordinaire les jeunes républiques ? Ils sont déjà bien vastes et bien puissans, et reculer encore des frontières déjà portées si loin, pour englober de nouveaux états, c’est mettre la constitution fédérale à de périlleuses épreuves, et ouvrir à l’anarchie de terribles chances. Il serait difficile que la France et l’Angleterre restassent immobiles devant la dissolution du Mexique et l’agrandissement indéfini des États-Unis. Nous devons dire toutefois que le Mexique paraît comprendre quelle faute immense il ferait, dans la situation actuelle, en provoquant une rupture ouverte avec la France. Le ministre anglais et le ministre d’Espagne, M. Bermudez de Castro, n’ont pas peu contribué à déterminer le ministre des affaires étrangères de la république à offrir à M. Alleye de Ciprey les réparations exigées. Le gouvernement mexicain a proposé d’envoyer l’alcade et l’officier dont M. Alleye de Ciprey avait à se plaindre déclarer à ce dernier qu’il n’avait jamais été dans leur pensée de lui faire une offense personnelle. On voit que le ministre de France, loin de se disposer à quitter Mexico, est plutôt à la veille de renouer des relations amicales avec la république. Il ne faut pas oublier, du reste, que les Anglais, qui partout ailleurs se montrent si susceptibles, ont adopté pour principe de n’avoir pas d’affaires avec le Mexique, et de traiter les Mexicains comme de véritables enfans dont on dédaigne les paroles et les actes.

Dans l’Amérique méridionale, nous trouvons, engagées dans une assez grosse affaire, l’Angleterre et la France, qui, agissent ouvertement de concert. C’est la lutte avec Rosas, c’est le blocus rigoureux de tous les ports