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Parmi ces chefs, on cite le comte Biancoli, le comte Pasi, le major Baldi, docteur Andreini, les frères Colombarini et M. Piva de Bologne. On gémit de voir des hommes probablement éclairés et instruits, se tromper si grossièrement sur ce qui est possible ou ne l’est pas dans l’état actuel de la péninsule.

Néanmoins il faut reconnaître qu’au milieu de ces stériles et funestes imprudences une sorte de progrès s’est accompli. Aujourd’hui, ceux même qui se révoltent dans les états romains ne rêvent plus le renversement du gouvernement pontifical. Non ; dans ce dernier mouvement, les insurgés reconnaissaient expressément l’autorité du pape ; ils réclamaient une réforme dans les codes, dans les finances, la suppression de l’inquisition ; ils demandaient que l’administration ne fût pas tout entière entre les mains des ecclésiastiques ; enfin ils voulaient des chemins de fer : voilà des conspirateurs qui sont tout-à-fait de leur siècle. C’est une espèce d’émancipation civile et administrative qui, si elle s’accomplissait, n’aurait rien d’alarmant pour la cause de l’ordre en Europe. Il est triste que ces choses raisonnables aient encore une fois été demandées les armes à la main. Comment ne comprendre pas que de semblables démonstrations compromettent le bon vouloir de la France pour le bien-être et la liberté de l’Italie ? Est-il possible de demander des concessions à des gouvernemens obligés de combattre pour leur existence ? Notre représentant à Rome a dû, plus que personne, déplorer l’équipée de Rimini, qui lui sème de nouvelles difficultés dans l’importante mission dont il est chargé. Toutefois, pour les vaincre, M. Rossi paraît au ministère mieux placé que personne, et sur ce point nous sommes de son avis. M. Rossi a obtenu un premier succès ; il a, pour ainsi dire, rompu la glace à Rome ; on y est déjà habitué à traiter avec lui. Aussi l’on comprend que le cabinet veuille prolonger sa présence auprès du gouvernement romain, et qu’il ajourne la nomination de M. Bois-le-Comte, qui, cependant, reste toujours destiné à remplacer M. Rossi.

Quand on songe à toutes les causes qui retiennent dans un état de souffrance l’Italie, et notamment la Romagne, au milieu des progrès matériels et moraux de la plupart des autres peuples de l’Europe, on souhaite à la péninsule un grand pape. Le pontife actuel est vénérable, mais il plie sous le poids des années, et il est difficile d’attendre de lui des changemens, si urgens qu’ils puissent être. Si l’on veut que le gouvernement pontifical soit régénéré utilement pour l’Italie et sans secousse pour l’Europe, il faut que l’initiative des réformes nécessaires parte de ce gouvernement même. Une pareille espérance doit-elle être à toujours déclarée chimérique ? Nous ne le pensons pas. Il y a assez de lumières dans la cour de Rome pour qu’un jour la voix de l’expérience soit enfin écoutée. Réformer à propos un gouvernement séculaire, c’est lui assurer un nouvel avenir. En soulageant les peuples qui vivent sous sa loi, en améliorant avec sagesse son administration, Rome ne serait plus obligée de tourner toujours les yeux vers l’Autriche pour savoir si elle peut en espérer protection en cas de révolte ou de guerre civile.