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à des appréciations qui comportent toujours quelque chose de discrétionnaire. Il faut, d’ailleurs, que l’administration ait entre les mains les moyens de se protéger elle-même, comme la magistrature, comme les corps politiques, comme tous les pouvoirs établis par les lois. C’est donc à elle qu’il doit appartenir de statuer préjudiciellement sur la mise en jugement de ses agens. Elle rend ses décisions sous sa propre responsabilité, et le citoyen lésé conserve toujours, si l’accès des tribunaux lui est fermé, son recours contre le pouvoir politique responsable, recours qui, pour n’être pas encore organisé par la loi, n’en existe pas moins. Ce système, dont le principe est dans les lois de l’assemblée constituante, qui a reçu son expression précise dans la constitution de l’an VIII et son complément politique dans la responsabilité des ministres, consacrée par le régime constitutionnel, a rencontré de nombreux et ardens adversaires, mais on a vainement essayé de le remplacer par d’autres garanties. Aucunes ne conciliaient au même degré et avec la même simplicité les besoins de l’état et les droits des citoyens. La pratique a d’ailleurs consacré les précautions les plus protectrices. Une instruction judiciaire constate d’abord les faits ; elle doit être complète sauf l’interrogatoire de l’agent inculpé. On prend l’avis du conseil d’état, qui en délibère sur le rapport d’un - de ses comités, et le gouvernement prononce. Ainsi concourent ensemble la constatation judiciaire, la délibération administrative et la décision politique. Chacun des pouvoirs intervient avec ses garanties et ses formes, et l’expérience a prouvé que tous les intérêts y trouvaient leur sauvegarde. En cinq ans, de 1840 à 1845, trois cent soixante-cinq autorisations seulement ont été demandées, et le petit nombre de ces demandes dépose en faveur de la sagesse des agens. On n’a accordé que cent trente-trois autorisations, mais il n’y a pas lieu d’accuser le gouvernement, qui s’est toujours conformé à l’avis du conseil d’état, d’avoir voulu assurer l’impunité des coupables ; car, sur les poursuites autorisées, plus de la moitié ont été suivies d’acquittemens. Le gouvernement s’est attaché seulement à écarter les plaintes qui n’avaient pour cause que l’esprit de parti, des inimitiés locales ou des préventions injustes. Cependant le principe de l’autorisation préalable a déjà reçu quelques exceptions qu’il ne serait pas impossible d’étendre encore. Ainsi les employés des contributions indirectes peuvent être traduits directement devant les tribunaux. On a cru devoir cette facilité aux redevables d’un impôt qui était l’objet de préventions ardentes, dissipées depuis par la modération des agens chargés de le percevoir, et l’on n’a pas sujet de regretter cette concession. Une disposition insérée