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le rapport du ministre de la guerre, d’après l’avis d’un conseil d’enquête ; la destitution ne peut être prononcée que par un conseil de guerre. Les membres de l’université sont justiciables des conseils académiques et du conseil royal, selon les cas : le conseil royal peut seul prononcer la réforme ou la radiation. Aux présidens des cours et des tribunaux, il appartient de donner l’avertissement. Les autres peines sont du ressort du tribunal ou de la cour, et, dans quelques circonstances, de la cour de cassation. Dans son ensemble, le pouvoir disciplinaire est régulièrement organisé ; il est rarement mis en action et soulève peu de plaintes. Cependant il conviendrait peut-être, dans les services administratifs proprement dits, d’introduire dès garanties qui, sans affaiblir l’autorité nécessaire aux chefs, préviendraient l’erreur et l’arbitraire, et ôteraient tout prétexte aux réclamations des inférieurs atteints par des peines sévères.

En même temps que l’état punit, il faudrait aussi qu’il récompensât. Le zèle et le dévouement doivent être entretenus par l’espoir des distinctions ou des rémunérations, tout autant que par la crainte des peines. L’action disciplinaire, pour être complète, devrait revêtir cette double forme. A cet égard, notre système administratif laisse beaucoup à désirer. Les récompenses sont trop peu nombreuses et trop arbitrairement réparties. Si la distribution en était soumise à des règles précises, elles acquerraient plus de prix et seraient plus ardemment recherchées. Dans les rangs supérieurs, la décoration de la Légion-d’Honneur est un digne sujet d’ambition ; mais on s’est trop habitué à des promotions réglées, de telle sorte que chaque fonctionnaire y est compris à son tour, et que cette distinction est plus souvent le prix de l’ancienneté que des services éminens. Par un abus contraire, on l’accorde à des débutans, sans autre titre que la faveur inconsidérée d’un ministre complaisant. On permet qu’elle soit sollicitée ; on oublie ce vieil édit (1578) qui, pour une autre décoration, déclarait « indignes à jamais d’y parvenir ceux qui la demanderaient, afin que ce grade d’honneur, qui devait être distribué par grace et mérite, ne fût sujet à brigues et monopoles. » Aucune récompense honorifique n’est accordée aux agens inférieurs. Ceux qui commettent des fautes sont censurés : qu’obtiennent ceux qui se distinguent ? L’armée seule inscrit honorablement sur ses ordres du jour le nom du militaire qui a fait quelque action d’éclat ; pourquoi la satisfaction des chefs n’aurait-elle pas une expression officielle comme leur désapprobation ? Le principe de l’honneur n’est pas encore éteint en France, grace à Dieu ; il faut savoir lui faire