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quelquefois davantage, fonctions la plupart du temps trop pesantes pour ne pas exiger chacune un titulaire, et ayant même, on en a vu des exemples, leur siége en des lieux différens. Le cumul ne peut s’appuyer sur aucune raison sérieuse. Pourquoi concentrer sur un seul des avantages qui sont de nature à être répartis entre plusieurs ? Combien peu d’hommes ont la force d’embrasser à la fois des travaux si multipliés ! Si la vaste intelligence de Cuvier y suffisait, que d’esprits médiocres en sont accablés ! Il est d’ailleurs peu de fonctions qui ne réclament une attention exclusive et sans partage. On cherchait ainsi à corriger la modicité excessive de certains traitemens, mais c’était sacrifier le service public à des intérêts personnels, et, si les traitemens étaient trop faibles, ce mal appelait un remède plus direct. Le cumul est rare à présent. Plusieurs lois l’ont supprimé dans des services déterminés. Il est spécialement interdit aux conseillers d’état. On le tolère seulement dans les carrières scientifiques, qui ont toujours sur ce point joui de faveurs exceptionnelles, en raison de la spécialité de quelques études familières à un très petit nombre de savans, et de la plus grande facilité de faire marcher parallèlement des travaux analogues qui souvent se prêtent un mutuel secours, loin de s’exclure.

Quelque étroite que soit l’obligation de vaquer personnellement aux devoirs de la fonction, des circonstances spéciales peuvent permettre d’y déroger ; l’intérêt même du service rend parfois une période de repos nécessaire à ceux qui ont porté le poids du jour. Il est pourvu à cette double nécessité au moyen des vacances et des congés. Les vacances sont accordées dans les services qui peuvent sans dommage recevoir une interruption momentanée, et qui exigent toujours l’application d’une intelligence libre et active. À cette catégorie appartiennent les corps de magistrature et l’enseignement. Pendant les vacances, les travaux ordinaires sont suspendus ; quelques membres seulement, désignés chaque année à tour de rôle, demeurent chargés, dans les compagnies judiciaires, de l’expédition des affaires les plus urgentes. L’usage des vacances est profitable au service public autant qu’aux fonctionnaires eux-mêmes. Après quelques semaines de repos, on retrouve le travail avec plaisir. L’esprit, qui a besoin de changer d’objet, a repris une sève nouvelle, et le temps perdu est bientôt réparé. On pourrait difficilement accordé des vacances à d’autres services que ceux pour lesquels elles sont instituées. Tous n’en éprouvent pas le besoin, et en suspendre ou en ralentir la marche serait aussi dommageable à l’état qu’aux particuliers. On concilie par les congés les nécessité de l’administration avec les convenances des