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à l’état. Ce n’est pas à dire qu’un œil curieux et exercé ne pût découvrir encore dans les colonnes du budget des emplois sans attribution réelle, ou dont l’importance a été grossie démesurément dans des vues personnelles ; mais les précautions même employées pour déguiser ces irrégularités déposent en faveur d’une règle que d’obscurs et rares abus ne sauraient infirmer.

De même que l’emploi emporte l’obligation d’un service, le titre suppose l’emploi. Les noms qui servent à désigner les dépositaires du pouvoir ne sont pas des qualifications nobiliaires qui puissent être prêtées pour flatter la vanité. Depuis 1830, on s’est attaché à faire prévaloir ce principe long-temps méconnu. La loi sur l’avancement dans l’armée défend de conférer aucun grade sans emploi. Celle qui vient d’organiser le conseil d’état en réduit le service extraordinaire de manière que tous ceux qui le composent soient appelés successivement à prendre part aux délibérations. Toutefois, dans la magistrature, on peut admettre ceux qui ont, occupé un emploi à en conserver le titre honoraire quand ils prennent leur retraite, souvenir légitime du passé, juste récompense de longs travaux ; mais cette autorisation ne doit s’appliquer qu’au nom même de la fonction précédemment exercée. Depuis plusieurs années, on a fait plus : on a nommé présidens honoraires des magistrats qui n’avaient jamais été que juges ou conseillers. C’était tromper le public en faisant supposer des services qui en réalité n’avaient pas été rendus.

Le fonctionnaire est tenu d’accomplir en personne les devoirs de sa place. S’il peut, pour certains soins accessoires et dans quelques circonstances, prendre un aide, il n’a pas le droit de se substituer un tiers sans caractère public. La confiance de l’état, qui l’a nommé, n’est pas susceptible de délégation. Les receveurs des finances, qui tiennent une véritable banque, qui sont obligés parfois à de longues absences immenses dans leurs opérations, ont seuls le droit de prendre, pour les représenter, un fondé de pouvoirs de leur choix ; encore la nomination en est-elle soumise à l’agrément du ministre. A part cette exception nécessaire, en cas d’absence ou d’empêchement, le fonctionnaire est, s’il y a lieu, remplacé par d’autre agens, créés en vue de ces cas accidentels, sous le nom de suppléans, d’agrégés, d’adjoints, ou par des collègues du même service désignés à cet effet. Ces remplacemens ne peuvent se prolonger au-delà d’un temps fort limité. Cependant on a admis des professeurs des facultés ou du Collège de France à se tenir indéfiniment éloignés de leur chaire, tout en conservant leur titre. Quelques-uns s’étant élevés