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exorbitant que les provinces, en définitive, ne gagnèrent guère au change. Bientôt le prix de la laine fut plus que quadruplé, et l’on vendait en 1833, 42 francs le quintal, qui coûtait 10 francs en 1816. L’abolition des monopoles et la modification des droits ont rendu depuis cinq ans quelques facilités à ce commerce, sans toutefois le relever. Détruit en partie par le coup qui l’avait frappé, entravé quelquefois encore par l’avarice des pachas, il languit comme toutes les autres industries dans l’empire. De la Turquie, que les hommes ont rendue le pays de la misère et de la faim, le ciel semblait avoir voulu faire une terre promise. A l’agriculture, il avait départi des plaines immenses, d’une fertilité sans égale sur le globe, et dans les montagnes, en apparence arides, il avait caché d’incalculables trésors. Les habitans ont laissé les terres incultes et n’ont pas fouillé les montagnes. Des mines de toute sorte abondent dans l’empire ; le cuivre seul, qui ne se vend qu’en contrebande, le cuivre, s’il était exploité en grand, fournirait au commerce de Constantinople un élément nouveau, qui pourrait le tirer de sa torpeur. Y songera-t-on jamais ? il ne faut pas l’espérer. Pareils au chien de la fable. les Turcs ne veulent ni profiter de ce qu’ils ont ni que les autres en profitent. Trop indolens pour exploiter eux-mêmes les richesses de leur sol, ils sont trop jaloux pour permettre à d’autres de le faire. Les Européens d’ailleurs, d’après une ancienne loi dont nous avons vu récemment la confirmation, n’ayant pas le droit de posséder en Turquie, ne peuvent entreprendre dans l’empire aucune spéculation agricole ou industrielle de quelque importance. Il y a plus, l’administration turque elle-même ne sait pas toutes les richesses que renferme le territoire ; connaissant bien les hommes qui les gouvernent, les populations envieuses ont soin de cacher l’existence des mines, de peur qu’on ne les condamne un jour, pour les exploiter, à un travail pénible et non rétribué.

Les provinces du Danube ont maintenant cédé à la Thrace et à la Macédoine l’approvisionnement de blé de la capitale. Cet important commerce a été ruiné, ainsi que tous les autres, par les mesures barbares d’une administration stupide. En se réservant la fourniture de la capitale, le gouvernement ne permit l’exportation des grains que moyennant des autorisations spéciales. Sans doute la liberté de ce commerce aurait donné une nouvelle vie à l’agriculture, sans doute elle aurait fait renaître la prospérité dans plusieurs provinces ; mais ce n’était pas le compte des grands personnages qui délivraient les autorisations et faisaient le trafic des firmans. En 1828 se présenta une circonstance qui aurait pu éclairer le gouvernement sur ce point :