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un danger pour le crédit public, et compromet l’avenir même des chemins de fer. Le gouvernement est averti. La loi lui donne des moyens suffisans pour désarmer une concurrence irrégulière et immorale ; c’est à lui d’en user. On peut s’attendre que la commission supérieure, guidée et soutenue par l’opinion, mettra la plus grande sévérité dans l’examen des titres de chaque compagnie. La concurrence sérieuse doit être respectée : c’est le vœu de la loi ; mais l’agiotage n’est pas la concurrence. Les chambres n’ont pas voulu que le sort des chemins de fer fût livré à des brocanteurs de primes et à des joueurs effrénés. Une crise sur les chemins de fer pourrait amener de grands embarras financiers, et, par contre-coup, une crise politique dont il serait difficile de mesurer l’étendue. Les partis anarchiques spéculent ouvertement sur cette crise. Le gouvernement assumerait sur lui une grande responsabilité, s’il ne prenait pas les mesures nécessaires pour la modérer ou la prévenir.

L’entrevue du maréchal Bugeaud avec M. le président du conseil, ministre de la guerre, a eu lieu à Soultberg. Ce qu’on sait de cette entrevue, c’est qu’elle a été amicale. Tout désaccord entre le gouverneur de l’Algérie et le ministère a momentanément disparu. Le maréchal Bugeaud retourne en Afrique, où il a encore de glorieux services à rendre à son pays. En attendant la décision des chambres, le gouvernement l’autorise à entreprendre un essai de colonisation militaire. Il paraît que l’an dernier le maréchal avait demandé cette autorisation, et qu’elle lui avait été promise. Le maréchal, garanti par cette promesse, s’est trouvé suffisamment fondé à écrire cette circulaire qui a paru il y a bientôt deux mois, et qui a donné lieu, dans la presse parisienne, à des accusations si ridicules et si violentes. On voit maintenant qu’il n’était pas nécessaire de faire tant de bruit pour si peu de chose, et que le maréchal Bugeaud n’a pas agi comme un pacha révolté. Quand cette question viendra à la tribune, nous sommes persuadés que les faits s’expliqueront d’eux-mêmes, et le maréchal Bugeaud, que l’on accuse toujours d’être le plus indisciplinable des hommes, paraîtra peut-être, dans cette circonstance, avoir agi avec beaucoup de soumission et de réserve. Ce n’est pas nous, du reste, qui l’en blâmerons.

Le traité du 16 juillet, entre la France et la Belgique, est en ce moment l’objet d’une négociation qui va se poursuivre à Paris. Comme on le sait, la question qui s’agite est de savoir si le traité sera dénoncé ou non. L’industrie linière et chanvrière demande que le traité soit dénoncé. Elle se plaint de ne pas être suffisamment protégée contre les produits belges ; elle dit que le travail national est sacrifié. Nous n’avons pas à revenir pour le moment sur une discussion qui a si long-temps occupé nos chambres, et dans laquelle tous les argumens ont été épuisés de part et d’autre. Il nous suffira de dire que la question est à nos yeux beaucoup moins industrielle que politique. Sous le rapport commercial, le traité belge, qui n’a encore qu’une durée de trois ans, n’a produit aucun résultat bien remarquable. Sous le rapport politique, c’est un acheminement vers la réalisation d’une pensée grande et fé-