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des nouveaux symboles ; cependant les pétitions, si nombreuses, si vives, qui arrivent de toutes parts, seront mises en discussion, le ministère l’a déclaré, et il sortira sans doute de cette session un principe plus élevé, une situation meilleure. Le cabinet prussien est aussi trop vivement sollicité chaque jour pour qu’il ne s’empresse pas de chercher la solution efficace, de tous ces problèmes. Il compte dans son sein des hommes éminens, un savant jurisconsulte, M. de Saviny, un ministre des cultes rempli de science et de talent,.M. Eichorn, des hommes d’une expérience consommée, comme M. de Boyen. Le roi, dans cette question, a presque toujours montré des dispositions excellentes ; malgré les incertitudes de sa politique, malgré ses brusques changemens, Frédéric-Guillaume est sincèrement attaché au principe de la liberté de conscience ; il faut espérer que la gravité des problèmes à résoudre saura fixer ses irrésolutions et maîtriser la pétulance de son esprit. Pour nous, notre devoir est d’attendre et de suivre attentivement ce qui va se passer sous nos yeux.

Si l’on nous demande pourtant de résumer notre opinion, nous le ferons en peu de mots. Nous dirons que la crise où est engagée l’Allemagne est une des plus difficiles qu’elle ait traversées jamais, car elle embrasse tout, la religion, la philosophie, la politique. Or, sur chacun de ces points, la situation, brièvement exposée, est celle-ci :

Le catholicisme a été ébranlé par une révolte insignifiante au fond, mais qui a fait éclater dans mille endroits la haine de Rome et de secrètes tendances à une religion nationale. Au sein du protestantisme, la crise est bien autrement grave ; on peut dire que la difficulté tout entière est là ; voilà pourquoi le problème s’agite à Dresde et à Berlin, tandis que Munich et Vienne n’y sont intéressés que d’une manière indirecte. Or, toutes les pétitions, tous les systèmes qui sont ici aux prises peuvent se réduire à deux : les uns demandent la séparation de l’église et de l’état, ils veulent une liberté absolue de conscience, et que toute religion puisse s’établir sans entraves. On comprend que cette prétention est monstrueuse. Les autres veulent bien l’union de l’église et de l’état, ils la désirent même, mais ils disent a l’état d’instituer une religion appropriée à l’esprit du temps et aux lumières toujours croissantes ; ils citent l’exemple de Frédéric-Guillaume III, qui, en organisant de sa propre autorité l’église évangélique, a établi, en effet, un précédent tout-à-fait révolutionnaire. De part et d’autre, les exigences sont insoutenables et le problème insoluble. Si l’état choisit une des communions actuelles pour en faire la religion officielle, les autres communions seront opprimées, les