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plein d’élévation, de tolérance, de respect pour la raison humaine ; on y retrouve le penseur érudit, celui qui a écrit une bonne monographie sur Scot Erigène, et qui continue à enrichir la littérature théologique de savans travaux sur le moyen-âge. Il faut souhaiter au catholicisme, en Allemagne et partout, des apologistes comme celui-là. La brochure de M. Ullmann est plus intéressante encore ; elle respire une onction vraiment chrétienne, et les doutes de l’auteur à propos de la secte naissante, la mélancolie qu’il ne dérobe qu’à moitié, donnent un intérêt nouveau et comme un charme plaintif à cette lecture. Il importe d’ailleurs de savoir l’opinion de M. Ullmann ; M. Ullmann, qui professe à Heidelberg et dirige avec M. Umbreit une excellente revue de critique théologique, est l’un des plus dignes représentans des doctrines de Schleiermacher. Nous avons entendu les piétistes, les amis des lumières, les jeunes hégéliens ; il faut savoir ce que pense la plus noble école de l’Allemagne protestante, la plus religieuse et en même temps la plus dévouée à la science. Or, voici cette opinion : M. Ullmann, à titre de protestant, a dû saluer d’abord avec joie la tentative des nouveaux catholiques ; toutefois, il attendait encore ; avant de se réjouir sans scrupule, il voulait les juger sur leurs œuvres. Ce sont ces œuvres précisément qui ont fait naître bien des doutes au fond de son ame. Son cœur était trop sincère pour qu’il voulût profiter de ces évènemens et en faire un moyen de polémique ; il cherchait, il épiait un signe, une étincelle de la vie religieuse ; il ne l’a point trouvée. « Prenez garde, s’écrie-t-il ; prenez garde de trop compter sur les changemens que vous faites dans la forme de votre église ; l’important, c’est de changer les ames et de les renouveler ! Avant de réformer l’église, il faut se réformer soi-même. Il ne s’agit pas de devenir libre extérieurement ; c’est au fond de l’ame qu’il importe de l’être. Et puis, l’affranchissement n’est pas le but principal d’une réforme ; le vrai réformateur délivre les ames de leurs liens extérieurs, mais c’est pour les attacher à la Divinité ! Délier et lier, voilà sa tâche. Il enlève les ames au mal, et les donne au bien, à la vie, à Dieu ! Si Jésus, en tant que réformateur, a détruit l’ancienne loi, souvenez-vous qu’il en a imposé une autre, plus haute, plus difficile, plus obligatoire à la conscience. C’est à cette condition-là seulement qu’on peut être un réformateur véritable et servir efficacement le progrès religieux. » On comprend que, jugés d’après cet idéal, nos réformateurs doivent paraître singulièrement petits. M. Ullmann ne prononce pas ce jugement ; il donne seulement ses conseils, il indique les voies, mais avec une tristesse qui montre bien que ses illusions ont disparu.