Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dissidentes, à toutes les églises non reconnues par l’état. » M. Eichorn avait raison ; mais ce grand travail, cette tâche si compliquée effrayait le roi. Ce n’est pas tout : l’objection allait plus haut ; elle serrait de plus près les difficultés au milieu desquelles on se trouvait pris ; parmi les sectes dissidentes dont parlait M. Eichorn, la principale était celle des vieux luthériens. Or, de quel côté étaient les dissidens ? Était-ce dans l’église de Luther, dans la vieille église protestante, établie si glorieusement par le traité de Westphalie, et reconnue, en 1815, dans le pacte fédéral de l’Allemagne moderne ? N’était-ce pas plutôt dans l’église évangélique, constituée à grand’ peine, il y a une vingtaine d’années, et fort mal constituée, à ce qu’il paraît, puisque tous les partis religieux s’accordent à vouloir réviser ses lois ? M. Eichorn prouvait très clairement au roi que, dans la querelle de l’état et des vieux luthériens, le dissident, l’hérétique, c’était l’état et l’église officielle ; or ce qui allait être statué sur les dissidens catholiques serait applicable, par la même raison, aux dissidens protestans, et ces dissidens, c’étaient les pasteurs et les fidèles du culte évangélique. Pour un roi théologien, l’objection était spécieuse, originale, et de plus invincible. Le roi fut surpris, mécontent, comme un docteur qu’un argument imprévu vient de désarçonner ; il leva la séance, et demanda à ses ministres un nouveau travail sur la question.

Que devenait cependant l’agitation religieuse dans les autres parties de l’Allemagne ? Le concile, le conciliabule de Leipsig s’est ouvert au mois de mars ; que se passait-il, vers cette époque, dans les contrées du centre et du midi ? La politique de l’Autriche et de la Bavière sera tout opposée, on le pense bien, à la politique de la Prusse. À Vienne et à Munich, il n’y aura aucun motif d’incertitude ; on sera très décidé, très irrité même. Si les uns ont péché par irrésolution, ceux-ci, par violence, commettront, plus d’une faute sérieuse, et les relations des cabinets catholiques avec les cabinets protestans, les relations du nord et du midi, déjà compromises, s’aigriront d’heure en heure. On comprend sans peine que la situation religieuse de l’Allemagne, telle que je l’ai rapidement exposée, dût se prêter beaucoup au développement de la secte nouvelle. Dans ce pays que divisent mille factions théologiques, chacune d’elles avait un intérêt propre à soutenir le mouvement qui venait de se déclarer en Prusse. Les piétistes d’abord, nous l’avons vu, s’étaient servis de Ronge contre les catholiques ; quand ils virent les amis des lumières s’avancer derrière ce drapeau qu’ils venaient de bénir, ils comprirent leur faute et reculèrent d’épouvante. Avec les amis des lumières, presque tous les protestans