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Il ne le fut pas sans de graves difficultés et sans d’énergiques résistances. Le 27 septembre 1817, à l’occasion des fêtes du troisième anniversaire séculaire de la réforme, le roi publia une proclamation qui invitait les deux églises à fraterniser. Les églises obéirent ; on assista à une sorte d’union amicale faite dans un moment d’enthousiasme ; il s’agissait maintenant de donner à cette union un caractère régulier, une forme durable. En 1822, un rituel nouveau fut rédigé ; ce rituel était fait, disait-on, pour le service de la cour, et on se bornait à le recommander aux différentes paroisses du royaume ; trois ans plus tard, en 1825, on le leur imposa ; il n’y eut plus dès-lors qu’une seule église, qui prit le nom d’église évangélique. C’est à ce moment que se forma un parti nouveau, très actif et très résolu, le parti des vieux luthériens, die Altlutheraner. Tous ceux qui demeuraient attachés, malgré les recommandations officielles, au vieil esprit de Luther, à la vieille religion saxonne, se réunirent et se disposèrent à combattre. L’université de Breslau fut le plus ardent foyer de cette opposition des vieux luthériens, et trois hommes surtout y prirent une part énergique, MM. Scheibel, Steffens et Huschke. Le gouvernement eut recours tout aussitôt aux mesures violentes. M. Scheibel, professeur à l’université et prédicateur, perdit en 1832 ce double emploi. M. Guerike, prédicateur à Halle, fut destitué presque en même temps. La persécution n’intimida pas les vieux luthériens ; ils continuèrent de protester, et on les vit, en 1835, tenir un synode à Breslau, bravant ainsi l’autorité temporelle, et déclarant que rien ne pouvait les arracher à leur foi. Quand la persécution devenait trop inquiétante, ils s’exilaient ; des communes entières, hommes, femmes, enfans, avec le pasteur à leur tête, émigrèrent pour l’Amérique du Nord. Que cette opposition des vieux luthériens fût, au fond, bien importante, il est permis d’en douter ; peut-être, dans les circonstances présentes, l’union des deux églises devait-elle être considérée comme un précieux avantage ; bien loin de s’attacher avec tant de raideur aux coutumes du passé, peut-être était-ce une conduite plus conforme au véritable génie protestant de chercher cette unité dans les progrès de la pensées et d’accommoder l’église nouvelle à l’esprit de notre époque. Cependant, il faut le reconnaître, tout en le poussant les tendances libérales, les vieux luthériens semblaient combattre pour un principe sacré ; ils ne voulaient pas que l’autorité civile pût modifier le rituel et enlever une seule lettre au symbole ; aux yeux d’un grand nombre, ils défendaient la liberté religieuse. L’apparence de la liberté était pour eux ; ce n’est pas tout : ils avaient aussi le droit strict. L’article 7 du traité de Westphalie,