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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 décembre 1845.


Une révolution ministérielle s’est accomplie en Angleterre ; elle était si inattendue, elle a été si subite, qu’elle n’a pu produire du premier coup tout son effet. Chose étrange ! la nouvelle d’un changement de ministère, qui, si elle avait été préparée par quelques symptômes avant-coureurs, aurait probablement affecté les fonds publics et dérangé le cours des affaires, n’a produit sous ce rapport aucune impression. Le public doutait encore de la réalité de ce qui se passait sous ses yeux. Il ne pouvait croire, avant de l’avoir bien vu, que ce ministère si solidement constitué et par sa force propre et par la faiblesse de ses adversaires, eût disparu soudainement comme un personnage de théâtre, sous lequel s’ouvre une trappe. Quand la nouvelle a été bien certaine, quand il a été bien avéré que sir Robert Peel se retirait, on a cru et on a dit universellement qu’il reviendrait. Il était tellement admis que c’était l’homme nécessaire, indispensable, que toute autre combinaison semblait impossible. Et cependant sa résolution était bien définitive ; sa démission n’était pas une formalité, une simple politesse pour ses collègues et en particulier pour le duc de Wellington ; elle était sincère, et elle est, quant à présent du moins, irrévocable.

Nous disions, il y a quinze jours, que lord John Russell était le meilleur tacticien parlementaire de son pays, et qu’il venait de le prouver par la position nouvelle qu’il avait prise. En se mettant lui-même à la tête de la croisade contre les corn-laws, il supplantait, disions-nous, sir Robert Peel, et il prenait possession d’un terrain qui, tôt ou tard, deviendrait celui du combat. C’est en effet ce qui est arrivé, et nos conjectures ont même été de beaucoup dépassées. Nous étions encore loin de croire que sir Robert Peel serait