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contre la propagande, laisse des chances à la diplomatie ; mais, lorsqu’elles n’ont à se disputer qu’une nation sans existence politique, sans institutions, sans lien, qu’une nation privée de ces convictions profondes dont les siècles font aux hommes un second génie, une seconde nature, il ne faut pas se demander à laquelle des deux doit appartenir la victoire. L’anarchie donne aux masses le droit de délibération, et les masses n’entrent pas dans le secret des cabinets. Voilà pourquoi la Californie appartiendra plutôt aux États-Unis qu’à l’Angleterre, voilà pourquoi la propagande de l’Union prévaudra dans le Nouveau-Monde sur la diplomatie anglaise.


III

Si la politique anglaise a échoué jusqu’à ce jour au Mexique, si même elle doit échouer dans sa lutte contre les États-Unis, du moins elle n’aura pas succombé sans gloire, et elle aura pu retirer quelques avantages du combat. Nous voudrions pouvoir en dire autant de la France. Malheureusement, tandis que la Grande-Bretagne et l’Union luttaient d’adresse et d’activité dans leurs relations avec le Mexique, la France adoptait vis-à-vis de cette république un rôle complètement passif. Les annales de nos relations avec le Mexique se réduisent à une série d’outrages que nous avons toujours ou reçus sans nous plaindre, ou imparfaitement vengés ; depuis vingt ans, nous n’avons guère fait que donner au Mexique la preuve d’une étrange longanimité ou d’une coupable indifférence.

Etroitement liée à l’Espagne à l’époque de la proclamation de l’indépendance mexicaine, la France ne put renier ses principes, en protégeant, comme l’Angleterre, le Mexique de ses deniers. Puissance continentale par excellence, elle n’avait pas en vue de se créer des établissemens au-delà des mers, et venait au contraire de perdre ou de céder toutes les colonies importantes qui lui restaient en Amérique. Tout ce qu’elle crut devoir faire en vue de son commerce et de son industrie fut de reconnaître la nouvelle république, mais elle ne pensa pas à profiter autrement de la révolution qui venait de s’opérer au-delà de l’Atlantique. Un simple traité de commerce fut conclu avec Mexico ; par ce traité, le gouvernement de ce pays s’engageait à accorder aux citoyens français les faveurs dont jouissaient les sujets de la puissance la plus favorisée : énonciation vague, qui se trouve dans tous les traités, et qu’il est facile d’éluder par des conventions avec des compagnies ou des particuliers, comme le prouvent assez les concessions faites par le Mexique aux capitalistes anglais. Aucun effort ne fut tenté par notre gouvernement pour attirer en France une partie des métaux précieux extraits annuellement du Mexique ; aucune garantie formelle ne fut exigée pour nos commerçans, nos agriculteurs ou nos mineurs. La France ne songea même pas à donner à ces peuples, dont elle ne connaissait pas encore le caractère, une haute idée de sa