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allait même jusqu’à dépouiller ses propres sujets. Parmi les hôtels de monnaie concédés aux citoyens anglais, plusieurs, celui de Zacatecas entre autres, étaient des propriétés particulières, et ne purent leur être donnés qu’au détriment des citoyens mexicains.

Ainsi, d’un côté, l’Angleterre tenait entièrement le Mexique sous sa dépendance, elle l’empêchait de se révolter contre sa suzeraineté, en lui rappelant sans cesse qu’il ne payait pas les intérêts de sa dette ; de l’autre, tremblant de perdre la Californie, effrayé de l’immense indemnité qu’il aurait à payer aux sujets anglais en cas d’expulsion par suite de guerre, le Mexique évitait de se brouiller avec la Grande-Bretagne, et s’efforçait de ne lui donner aucun motif de plainte. Bien des Anglais, il est vrai, furent massacrés dans les guerres civiles, mais ils avaient été pris les armes à la main, combattant dans les rangs des rebelles, et leur mort ne pouvait être imputée au gouvernement. Si d’autres Anglais avaient été assassinés dans leurs propres maisons ou sur les grandes routes, c’étaient là des crimes isolés, que les autorités du pays avaient toujours punis, ou du moins manifesté l’intention de punir[1]. Convaincue par là même du prix que le Mexique attachait à son amitié, la Grande-Bretagne s’affermissait de plus en plus dans son intention d’occuper la Californie. Cette province avait été explorée par des navigateurs anglais, les côtes en avaient été soigneusement relevées dans toute leur étendue, et les cartes conservées au consulat de Valparaiso n’étaient délivrées aux commandans des navires envoyés en mission dans ces parages que sous le sceau du plus grand secret, et à la condition de- les remettre au retour entre les mains de l’agent qui en avait la garde. Tout était prêt pour une prise de possession, que la faiblesse du gouvernement mexicain permettait de regarder comme prochaine.

Au commencement de 1840, il était enfin sérieusement question d’obtenir du gouvernement de la république la cession de cette riche province. La prise de possession de la Californie était devenue à Londres le sujet de toutes les conversations ; les marchands de la Cité porteurs de bons du Mexique se préparaient déjà à y former des établissemens. Une nombreuse escadre anglaise croisait dans les eaux de Cuba, les officiers pensaient tous qu’ils allaient se diriger sur Valparaiso et la Californie. Toutefois l’Angleterre fut trompée dans ses calculs : elle avait trop compté sur la docilité du gouvernement mexicain. Il paraît qu’on essaya en vain de faire entendre raison sur la cession de la Californie à Bustamante, qui présidait à cette époque. Il fallut donc se tourner d’un autre côté. L’homme en qui l’Angleterre trouva l’instrument de ses desseins vivait alors en simple particulier à Manga-de-Clavo, C’était Santa-Anna, qui, sorti des prisons du Texas et couvert des prétendus lauriers conquis sur les Français à Vera-Cruz, attendait l’occasion

  1. Un juge de Mexico montra même un si grand zèle pour le châtiment de l’assassin d’une famille anglaise, que la reine Victoria crut devoir lui en exprimer sa gratitude par une lettre autographe.