Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1043

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mexique ; un prétexte leur manquait pour l’accomplir, ils l’ont trouvé dans l’annexion du Texas. Cette annexion est venue lentement, sans efforts, lorsque, les voies étant partout préparées, il n’y avait plus qu’à tirer un coup de canon pour reculer de six cents lieues les frontières du Mexique. Il faut espérer que le gouvernement de ce malheureux pays, comprenant à temps de quelle dissolution il est menacé, ne se laissera pas entraîner, par un amour-propre insensé, à une guerre qui serait sa perte.

Mais, tandis que le gouvernement ou plutôt le peuple des États-Unis se frayait ainsi les voies à la conquête du Mexique et de l’Amérique du Sud, quelle était la politique de l’Angleterre ?

II

Lorsque s’accomplit, en 1821, la révolution qui enleva le Mexique à l’Espagne, pour en faire une nation indépendante, l’Angleterre s’empressa de reconnaître la république. Prompte à saisir toutes les occasions d’exercer une influence directe sur les peuples, influence qu’elle sait faire tourner tôt ou tard au profit de son industrie, de son commerce et de sa puissance, elle se hâta d’offrir au gouvernement nouveau les moyens d’ouvrir un emprunt pour faire face aux dépenses de son installation. Cet emprunt, implicitement hypothéqué par l’Angleterre sur les Californies, qu’elle se promettait bien d’occuper un jour, n’était qu’une spéculation sur les embarras probables que jetteraient dans les finances du Mexique l’inexpérience de ses hommes d’état et les troubles inséparables de la fondation d’un empire. La dette mexicaine ne tarda pas à s’élever, par l’accumulation des intérêts non payés, à la somme énorme de 50 000 000 de piastres (250 000 000 de fr.).

On comprend sans peine quels avantages durent résulter pour l’Angleterre de ce service rendu à la république. Par les titres qu’elle s’était assurés à la reconnaissance du Mexique, elle avait acquis le droit d’exiger de grandes concessions. Le nouveau gouvernement, qui ne pouvait même pas servir les intérêts de sa dette, était placé dans l’alternative de tout accorder pour rester en paix avec l’Angleterre, ou de perdre son crédit et ses plus belles provinces. Il s’était enlevé en même temps le droit d’avertir son puissant protecteur de l’expiration du bail de la Balise, où une compagnie anglaise s’était établie, à titre de locataire, du temps de la domination espagnole, sous prétexte d’y couper du bois de teinture et d’ébénisterie. Ainsi, par cet emprunt habilement ménagé, la Grande-Bretagne avait pris une position solide sur le continent américain. La Californie, qu’elle espérait acquérir avec ses bois de construction, ses riches campagnes, ses vins délicieux, ses lins et ses chanvres, donnait à l’Orégon une immense valeur, et permettait au gouvernement britannique de soutenir victorieusement, vis-à-vis des États-Unis, ses prétentions sur ce territoire contesté.

Par son comptoir de la Balise, placé à l’embouchure d’une rivière navigable,