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comme on disait autrefois, de la littérature vulgaire, notre dessein est surtout de stimuler de jeunes et doctes esprits tels qu’il en est encore beaucoup, de les inviter à tenter une voie qui est demeurée antique et neuve, et à ne pas tant négliger les points par où une science ingénieuse se saurait greffer sur la littérature nationale : à ce prix seul est la circulation et la vie. Je ne prétends point d’ailleurs aujourd’hui faire à quelque bien grand sujet l’application de ce que je crois du moins sentir et de ce que d’autres savent. Le poète dont je voudrais donner idée est un petit poète, un poeta mninor par excellence ; mais il figure en tête de la série, tellement que, si l’on peut dire que Théocrite demeure le dernier des grands poètes grecs, Méléagre, en mérite comme en date, est le premier des petits : il mène avec lui tout un cortège.

Méléagre est le premier des Grecs qui se soit avisé de composer une Anthologie complète, c’est-à-dire une Guirlande ou Couronne (on l’appelait de ce nom), un bouquet de l’élite de toutes les fleurs qui couvraient alors le champ si vaste de la poésie. Venu environ un siècle et demi après Théocrite, après ses diminutifs Bion et Moschus, arrivé le lendemain de la grande moisson, il eut l’idée naturelle de glaner, de choisir dans tout ce qui était épars, de nouer la dîme des gerbes et de les ranger. On prononce souvent le mot d'Anthologie, et l’on entend vaguement par là le Recueil de ce que l’antiquité nous a légué de jolies petites pièces, idylles, odes, élégies, épigrammes, épitaphes, etc., etc. Il y eut quatre de ces Anthologies grecques célèbres : la première, cueillie en si heureuse saison, fut donc celle de Méléagre ; la seconde fut celle de Philippe de Thessalonique, lequel vivait au plus tard sous Trajan ; la troisième est due à un avocat Agethias, qui la dressa vers la fin du VIe siècle, après le règne de Justinien ; la quatrième enfin, postérieure de quatre siècles environ à la précédente, fut compilée par un certain Constantin Céphalas, duquel on ne sait rien autre chose. Notez bien qu’à chaque rédaction nouvelle d’anthologie, comme on faisait entrer pour une bonne part les poètes modernes qui avaient paru dans l’intervalle, on sacrifiait quelque chose des anciens ; de sorte que chaque fois il tombait plus ou moins de la fleur du panier. On se figurera les pertes qu’on a faites ainsi en chemin, lorsqu’on saura que de ces quatre Anthologies successives il ne nous est arrivé que la quatrième, la dernière, et encore on ne la connaît bien au complet que depuis un demi-siècle. On n’en eut d’abord qu’une espèce d’édition abrégée, arrangée et expurgée, due au moine Planudes ; le XVIe siècle n’en imprima pas d’autre. Le véritable texte