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représenter le pays à l’étranger ou de l’administrer à l’intérieur, où peuvent-ils acquérir les connaissances nécessaires ? Nous avons loué les efforts des administrations financières pour former des sujets capables ; mais où s’enseigne la théorie des fonctions qu’ils pourront exercer un jour, où recueilleront-ils, indépendamment des exercices pratiques auxquels on les soumet, les idées générales, les notions d’ensemble, les connaissances scientifiques qui les guideraient dans toute leur carrière et leur permettraient d’échapper au joug pesant de la routine ? Nous cherchons en vain les sources auxquelles ils pourraient puiser.

La France a toujours occupé le premier rang dans le monde par sa supériorité dans les lettres et dans les sciences. Nos vieilles universités ont conquis une gloire dont le souvenir est encore vivant, et leur digne héritière, reconstituée par le génie de l’empereur, n’a pas été inférieure à ses devancières. L’enseignement public est établi partout sur des bases larges et fécondes ; cependant, tandis que l’état entretient et propage toutes les connaissances qui ont pour objet le bien-être individuel ou les droits privés des citoyens, il a toujours laissé dans l’oubli et négligé celles qui embrassent les intérêts généraux de la société. Il prépare et fait des avocats et des médecins, il ne s’occupe point de créer des hommes publics, des administrateurs, des diplomates, des financiers. A part quelques chaires de droit administratif, créées dans ces derniers temps, et qui, bien qu’enfermées dans un cercle étroit, ont déjà rendu de grands services, les sciences politiques et sociales rte sont point enseignées en France. Nous avons été devancés par l’Allemagne, où plusieurs états rivalisent de zèle pour répandre ces sciences. Par une étrange contradiction, c’est sous des gouvernemens absolus que s’ouvrent des chaires qui conviennent surtout à un peuple libre ; il est temps que l’enseignement soit mis en harmonie avec les institutions. Plus les citoyens sont appelés à prendre part aux affaires publiques, non-seulement dans les emplois de l’état, mais dans les conseils électifs, dans la commune, dans le département, dans les assemblées politiques, plus il est nécessaire de leur donner la science qui permet d’accomplir dignement ces devoirs nouveaux. Il ne suffirait point d’augmenter le nombre des chaires de nos facultés. Ce n’est pas un simple développement de l’enseignement actuel qu’il s’agit de constituer, mais un enseignement spécial avec son esprit propre et son caractère particulier[1]. De nouveaux professeurs

  1. Il n’entre pas dans notre plan de discuter le mode d’organisation de ces facultés nouvelles et les chaires qui devraient y être ouverts. Cette question a été traitée, avec tous les développemens qu’elle comporte, dans le travail remarquable de M. Laboulays, que nous avons cité plus haut.