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ce dernier et s’assurer d’un poste auprès de lui. Comme il avait servi sous Bonaparte, il se fit passer pour artilleur, sans connaître le service d’une pièce. Certain de sa promotion, il revint auprès de lady Stanhope, qu’il pria de lui donner une lettre de recommandation et un certificat de bonne conduite. Elle reconnut qu’elle était jouée, et, sans se fâcher, elle fit faire une magnifique enveloppe avec la suscription honorifique du pacha d’Acre parfaitement formulée ; la lettre ne contenait que du papier blanc. Puis elle envoya un messager spécial prévenir le pacha que Paolo n’avait jamais été canonnier, et que probablement, -c’étaient les termes dont elle se servait, « il ferait plus de ravages dans les troupes qu’il voudrait défendre que dans celles qu’il prétendrait attaquer. » Paolo Perini, tel était son nom, porta la lettre, fut congédié, revint à lady Stanhope, qui se félicitait en riant du succès de sa manœuvre politique, et qui, toute satisfaite d’avoir battu un Italien avec ses propres armes, le renvoya en Europe assez penaud. Cette affaire fut une de celles qui amusèrent le plus cet esprit inquiet et cette activité que ne satisfaisaient ni son docile médecin, ni l’Abyssinienne Fathoum, qui la volait sans cesse, ni son espion et son amiral Logmagi, distributeur de ses bienfaits, plongeur de son métier, et homme de beaucoup d’esprit, qui lui faisait des contes de toute espèce, caressait son orgueil et s’enrichissait à ses dépens.

Un revenu très borné, des ennemis à Londres, une famille indifférente ou hostile, des générosités sans limites, et le pillage exercé par ses domestiques malgré ses fureurs, sa surveillance et même ses châtimens, la réduisirent par degrés à une détresse absolue. Les usuriers juifs, arméniens et arabes s’emparèrent d’elle et achevèrent de dévorer sa fortune. Il lui fallut emprunter à M. Beaudin, consul à Damas, 4,000 dollars, et mettre en gage sa pelisse dans le bazar de Saïda. La neige et les ouragans enlevaient les toitures et renversaient les murailles de son habitation désolée, et cette femme, qui, après le siège d’Acre, avait nourri, vêtu et logé deux cents fugitifs, se trouva sans ressources et sans secours. Elle emprunta de nouveau, la plupart du temps à 20, 25 et 50 pour 100. Un épicier de Saïda, qui avait été à son service, musulman puritain de la vieille école, Cheikh-Omar-Eddin, n’étant pas payé de sa facture, se fit faire un billet du double, et de temps à autre réclama de la munificence d’Esther du blé, de la toile, du drap, des chevaux ; en peu de temps, la créance fut dépassée par les dons. L’usurier pieux vint à mourir ; il appela sa femme et ses enfans près de son lit et leur dit : « La cid milady me doit une somme d’argent ; vous trouverez son billet dans mes papiers. Promettez-moi