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par une obsession continuelle la faveur, trop indulgente d’abord, qui l’abandonne aujourd’hui. Au moment où je termine ces lignes, je vois annoncer des romans et des voyages. Quel sera l’avenir de son nom ? Sans vouloir rien préjuger, je ne puis m’empêcher de ressentir une vive inquiétude quand je vois la direction funeste où s’engage l’auteur. Il eût été possible à ce talent spirituel et parfois gracieux de donner quelques productions durables ; s’il eût renoncé à une ambition trop orgueilleuse, s’il se fût défié d’une trop grande facilité de plume, il eût pu donner à Ilda Schoenholm et à la Comtesse Faustine des sœurs plus irréprochables. Il lui manquerait toujours, je le crains, cette poétique inspiration qui consacre les chefs-d’œuvre ; toutefois une certaine grace plaintive eût distingué ses héroïnes de salon. Au lieu de cela, que deviendront les frêles qualités de Mme Hahn-Hahn, si elle continue à vouloir sans cesse occuper le public de ses prétentions bruyantes ? Ces parfums légers, fugitifs, qu’un art scrupuleux eût réussi peut-être à fixer dans une œuvre aimable, ne devront-ils pas s’évanouir promptement ? n’ont-ils pas déjà disparu ? Sans être trop sévère, il est permis de le craindre. Mme Hahn-Hahn avait eu le tort d’imiter Bettina ou George Sand dans ses romans ; elle a continué dans ses voyages et montré plus clairement encore tout ce qui lui manque pour mériter ces suffrages passionnés qu’elle convoite. Les Souvenirs de la France (Erinnerungen aus Frankreich) sont certainement le livre le plus faible qui se puisse rencontrer. Les Allemands ont des touristes sans nombre, et leur voyage classique est le voyage de Paris ; or, de tous ces visiteurs qui nous arrivent par bataillons et qui tous écrivent leur volume sur la France, Mme Hahn-Hahn a été certainement le plus mal inspiré et le plus fastidieux à lire. J’ai découvert dans ses lettres sur l’Espagne une brillante peinture de l’Alhambra, quelques pages vraiment éloquentes sur Murillo ; mais tout cela est noyé dans le plus long et le plus insignifiant des monologues. Que dire enfin de son voyage en Suède, et surtout de ses trois volumes sur l’Orient ? Absolument rien, sinon qu’il y est beaucoup question de Mme la comtesse Ida Hahn-Hahn.

Je rouvre maintenant ces deux volumes de poésie qui ont été le premier manifeste, le premier cri de Mme Hahn-Hahn, et je me demande quels ont été les progrès de l’auteur depuis son début. Les vers étaient bien faibles, je l’ai dit ; mais combien je préfère cette tristesse réelle à ces prétentions insatiables, à ce désir effréné d’entendre son nom répété à grand bruit ! Alceste demandait aux marquis de son temps