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et vigilant. Il ne faudrait qu’un oubli d’une heure pour que cette nature fragile, tombant à terre, se brisât. Son mari est jeune, beau, noble comme elle ; persuadé que sa femme est digne de lui, et bien sûr aussi d’aimer sa jeune femme avec passion, il se repose avec sérénité dans la conscience de son bonheur ; mais cette loyauté si calme, si confiante, ne suffit pas à Ondine : elle a besoin, cette ame timide de sentir plus vivement, à chaque heure, l’amour dévoué qui la soutient et en qui elle doit vivre. Si un autre homme se présente dans ces momens perfides où languit son cœur, elle cédera sans résistance. Elle a cédé ; dans une des résidences du nord de l’Allemagne, tandis que le comte. Ascanio est enlevé à son intérieur par les travaux de chancellerie, par les préoccupations diplomatiques, un noble exilé polonais, le prince Casimir, a été admis auprès d’Ondine. On comprend qu’il doive aisément surprendre ce cœur désarmé. Hélas ! la jeune femme a vite oublié l’amour si dévoué du comte ; elle a écouté la voix de sa faiblesse irritée et avide ; elle appartient au prince Casimir. Que va-t-il arriver ? Comment finira le drame ? Faut-il que le sang du séducteur lave la honte du mari outragé ? Mais il y a trop de mépris dans le cœur d’Ascanio pour la femme qui a déshonoré son nom ; il la rejette loin de lui avec le calme impassible du juge, et Ondine vient de partir pour l’Italie, où le prince Casimir doit bientôt la rejoindre. Brisé cependant par une si terrible secousse, le comte Ascanio est mort quelque temps après.

Telle est, au début de cette histoire, la situation des trois personnages principaux, Ilda, Polydore, Ondine. Voyez-vous cette chaise de poste qui monte gaiement les Alpes ? Elle emporte Ilda et Polydore, la belle jeune femme inspirée, et, à côté d’elle, cet enfant aimable et enthousiaste, le jeune artiste qu’elle protège avec la douce supériorité d’une mère. Tandis qu’ils causent de poésie et d’art, tandis qu’ils recueillent leurs souvenirs de Pise, de Florence, de Rome, et qu’ils saluent à l’horizon les nobles remparts de la patrie, les sommets des Alpes tyroliennes, une voiture passe rapidement auprès d’eux, suivant la route d’Italie. Chose singulière ! Ilda Schoenholm a cru reconnaître les armes du comte Ascanio. L’instant d’après, elle n’y songe plus. C’était Ondine qui allait attendre le prince Casimir aux bords du lac de Côme. Ainsi ils s’en vont tous trois, suivant chacun leur rêve, ceux-ci se promettant une vie nouvelle dans la patrie tant désirée, celle-là tout enivrée de l’amour à qui elle a sacrifié son honneur et son nom ; mais tous les trois, hélas ! sur cette même route, dans un petit village du Tyrol, ils se retrouveront, à la fin de cette