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suprême, l’art qui s’en rapproche le plus est le premier de tous les arts.

Tous les arts vrais sont expressifs, mais ils le sont diversement. Prenez la musique ; c’est l’art sans contredit le plus pénétrant, le plus profond, le plus intime. Il y a physiquement et moralement entre un son et l’ame un rapport merveilleux. Il semble que l’ame est un écho où le son prend une puissance nouvelle. On raconte de la musique ancienne des choses extraordinaires, qu’il n’est pas difficile d’admettre en voyant les effets de notre musique sur nous-mêmes, qui ne sommes point aussi sensibles au beau que les anciens. Et il ne faut pas croire que la grandeur des effets suppose ici des moyens très compliqués. Non, moins la musique fait de bruit, et plus elle touche. Donnez quelques notes à Pergolèse, donnez-lui surtout quelques voix pures et suaves, et il vous ravit jusqu’au ciel, il vous emporte dans les espaces de l’infini, il vous plonge dans d’ineffables rêveries. Le pouvoir propre de la musique est d’ouvrir à l’imagination une carrière sans limites, de se prêter avec une souplesse étonnante à toutes les dispositions de chacun, d’irriter ou de bercer, aux sons de la plus simple mélodie, nos sentimens accoutumés, nos affections favorites. Sous ce rapport, la musique est un art sans rival ; elle n’est pourtant pas le premier des arts.

La musique paie la rançon du pouvoir immense qui lui a été donné ; elle éveille plus que tout autre le sentiment de l’infini, parce qu’elle est vague, obscure, indéterminée dans ses effets. Elle est juste l’art opposé à la sculpture, qui porte moins vers l’infini parce que tout en elle est arrêté avec la dernière précision. Telle est la force et en même temps la faiblesse de la musique : elle exprime tout, et elle n’exprime rien en particulier. La sculpture, au contraire, ne fait guère rêver, car elle représente nettement telle chose et non pas telle autre. La musique ne peint pas, elle touche ; elle met en mouvement l’imagination, non celle qui reproduit des images, mais celle qui fait battre le cœur, car il est absurde de borner l’imagination à l’empire des images. Le cœur une fois ému ébranle tout le reste : c’est ainsi que la musique peut indirectement et jusqu’à un certain point susciter des images et des idées ; mais sa puissance directe et naturelle n’est ni sur l’imagination représentative, ni sur l’intelligence : elle est sur le cœur ; c’est un assez bel avantage.

Le domaine de la musique est le sentiment, mais là même son pouvoir est plus profond qu’étendu, et si elle exprime certains sentimens avec une force incomparable, elle n’en exprime qu’un très petit nombre.