parfait, et dont plus d’une intention mélodieuse éclaire le fond. Reste à savoir si les habitués de l’Opéra-Comique s’accommoderont de ces duos à large coupe, de ces morceaux d’ensemble si amoureusement développés. Nous-même, quelles que soient nos sympathies pour la grande musique, nous doutons que l’atmosphère du théâtre Favart lui convienne beaucoup ; ces développemens qu’on aime à lui voir prendre au Théâtre-Italien comme à l’Académie royale paraissent ici hors de saison ; les conditions du genre, la voix des chanteurs, tout s’y oppose. C’est pourquoi nous aurions voulu peut-être une forme plus dégagée, plus svelte, quelque chose rappelant davantage, non pas Hérold ou M. Auber, mais le faire si mélodieux du musicien de la Révolte au Sérail et de tant de compositions si agréablement faciles. M. Labarre est homme à profiter de l’expérience, et, pour peu qu’un bon poème lui vienne en aide, les qualités de mise en œuvre ne sauraient lui manquer à la première occasion. La verve y est, nul ne le conteste ; il s’agit maintenant d’en modérer l’essor, de se rogner le bout des ailes.
Nous ne terminerons pas sans dire un mot d’un très charmant ballet représenté à l’Académie royale de Musique cette semaine. Les auteurs du Diable à quatre, en s’inspirant du motif de l’opéra de Sedaine, ont ingénieusement combiné leur action pour la danse, je dis leur action, car le poème nouveau, bien que la féerie intervienne, se rapproche plus du Diable boiteux que de la Sylphide et de Giselle. les chefs-d’œuvre du ballet de pure fantaisie. Ajoutons que la Carlotta, dans le principal rôle, y fait des prodiges. Jamais Fanny Elssler à ses meilleurs jours n’eut plus de grace et d’élégance, plus d’expression dans le regard et d’harmonie dans toute sa personne : voilà pour l’actrice ; que serait-ce si nous parlions de la danseuse, qui hier à Londres tenait tête à la Cerrito, et laissait si loin derrière elle cette pauvre Taglioni, qu’on se prenait à soupirer à l’idée du néant de la gloire théâtrale ! La musique du Diable à quatre est de M. Adam, et ne manque à coup sûr ni d’adresse ni d’habileté ; mais quel plaisir peut donc trouver l’auteur du Postillon de Lonjumeau à dépenser en si menue monnaie son imagination, sa verve et son esprit ? N’a-t-il, par hasard, rien de mieux à faire ? Je n’aime pas voir un poète passer sa vie à rimer des logogriphes. Que M. Adam y prenne tarde, à force d’éparpiller ses motifs en toute sorte de pas de deux, il finira par ne plus lui en rester pour ses partitions. Déjà même, quand on se souvient de ses derniers ouvrages dramatiques, de Richard en Palestine par exemple, et qu’on entend la musique de Giselle et du Diable à quatre, on se demande si ce ne sont point là ses véritables opéras.