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toutes les broderies du chapeau d’ordonnance, et vouloir exprimer avec l’ébauchoir des détails que le pinceau dédaignerait, et que le bronze ne petit rendre sans faire tort au masque du personnage, en distrayant l’attention ? Placé comme nous le sommes maintenant, nous pouvons embrasser d’un regard tous les défauts, et je voudrais pouvoir dire toutes les qualités de la composition. Malheureusement le feutre du chapeau et la chair du visage sont exécutés de la même manière ; il y a dans ces deux morceaux une telle uniformité de travail, qu’ils semblent faits de la même matière, c’est-à-dire, en deux mots, que le bronze n’a su représenter ni le feutre ni la chair. Il n’y a dans la physionomie du prince ni l’ardeur ni la vie qui conviennent à un homme de son âge, et que le spectateur cherche naturellement dans l’héritier du trône. Parlerai-je du bras qui tient l’épée ? Il serait difficile d’imaginer un mouvement plus gauche et moins militaire. On ne peut pas dire que le bras abaisse l’épée ; il semble que l’épée soit trop lourde pour le bras qui la porte, pour la main qui la tient, et que son poids oblige le bras à s’étendre. Le bras et l’épée ne forment ainsi qu’une seule ligne qui déplaît à l’œil, à quelque point de vue que l’on se place.

Ce que j’ai dit du chapeau d’ordonnance, je le dirai, je dois le dire, de l’uniforme. Assurément l’habit militaire du XIXe siècle n’a rien de sculptural ; mais il était possible de l’interpréter sans le dénaturer, et d’enrichir ce qu’il a de mesquin et d’ingrat. Il fallait, pour atteindre ce but, élargir les basques de l’uniforme, et ne pas serrer la poitrine du cavalier comme dans un corset. Le ventre du prince est trop gros et manque de jeunesse. C’est une faute de goût que rien ne saurait justifier, qui, toutefois, blesserait moins vivement, si le statuaire eût pris soin de donner plus d’ampleur à l’uniforme, et n’eût pas emprisonné le corps du prince de façon à donner au ventre dix ans de plus qu’à la poitrine. J’ai beau chercher quelles sont les qualités de cette œuvre, je ne puis réussir à les découvrir. Ignorans ou éclairés, étrangers à l’étude des monumens de l’art ou familiarisés depuis longtemps avec les œuvres les plus importantes de la statuaire, les spectateurs, en contemplant la composition de M. Marochetti, ne peuvent exprimer une pensée indulgente. Le cavalier qu’il nous montre est mal assis sur sa monture, mal coiffé, étouffé dans son uniforme, tient gauchement son épée, et sa physionomie n’exprime aucun sentiment précis et définissable. Avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de deviner ce qu’il veut et ce qu’il pense. Est-ce la majesté glu commandement, l’ardeur militaire ou la sérénité de l’espérance que