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en latin de son époque, des vers libres et ingénus, rimés et harmonieux, tout-à-fait dans le goût de La Fontaine ou de Chaulieu. Qu’on lise, d’après cette donnée, le commencement de la charmante scène entre l’ermite et la courtisane, et l’on reconnaîtra chez la recluse saxonne du Xe siècle (par conséquent antérieure aux poètes provençaux) la divination merveilleuse de toute la poésie moderne.

STABULARIUS.

Fortunata Maria,
Loetare, quia
Non soltum, ut hactenus, tui cooevi
Sed etiam senio jam confecti
Te adeunt,
Te ad amandum confluunt.

MARIA

Quicumque me diligunt
AEqualem amoris vicem in me recipiunt.

ABRAHAM.

Accede, Maria, et da mihi osculum.

MARIA

Non solum
Dulcia oscula libabo
Sed etiam crebris senile collum
Amplexibus mulcebo.

ABRAHAM.

Hoc volo.

MARIA.

Quid sentio ?
Quid stupendae novitatis gustando haurio ?
Ecce, odor istius fragrantiae
Proetendit fragrantiam
Mihi quondam
Usitatae abstinentiae !


Les oreilles délicates sentiront le balancement et la molle cadence de ces vers ; ce sont en effet des vers modernes. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à suivre pas à pas le latin de Hrosvita et à calquer, vers pour vers, des lignes françaises d’un nombre égal de pieds et de rimes sous ses lignes latines : vu la difficulté du tour de force, on n’obtiendra ainsi que de la poésie d’opéra-comique de la pire espèce ;