une de ces maîtresses-femmes dont j’ai parlé. Elle consentit, sans trop se faire prier, à l’y descendre, « puisqu’il avait la singulière fantaisie de le visiter ; » puis elle le laissa se placer à son aise dans le baquet, et, la chaîne se déroulant avec plus de rapidité qu’il ne s’y attendait, il se trouva précipité dans une eau assez profonde, plongé, replongé, baigné à plusieurs reprises et balancé par la main de la villageoise. En vain ses cris plaintifs essayèrent d’attendrir son bourreau féminin. Jewel ! H’angel ! d’harling ! criait-il avec son aspiration orientale !… Elle ne cessa de descendre et d’abaisser alternativement la corde que lorsqu’elle n’entendit plus rien. Pat reconnut son étourderie, se cramponna à l’anneau de fer du seau et ne bougea plus ; il espérait, en faisant le mort, échapper à sa persécutrice et grimper le long du câble avec cette agilité que les hommes de mer exercent si souvent à leur bord. Il avait affaire à des ennemis acharnés, aussi adroits, mais plus vigilans que lui. L’avantage leur appartenait.
Il lève la tête, n’entend plus de bruit, regarde, appelle, on ne lui répond pas ; il saisit la corde, s’aide des mains et des pieds et se trouve bientôt en face de l’ouverture du puits. Au moment où il s’arrête pour respirer un peu, se croyant sauvé, ses deux jambes sont saisies par une pince de fer qui les serre inhumainement ; ses mains lâchent prise, il tombe la tête en bas et se trouve attiré vers la porte de la grotte, où un matelas amortit le coup terrible qui lui aurait brisé le crâne contre la paroi du puits. Enfin, jeté dans la cave même, le pauvre Pat entendit de longs éclats de rire retentir à ses oreilles, et vit une douzaine de matelots que la mésaventure du garde-côte trop curieux jetait dans une gaîté extraordinaire et bruyante.
Pat était en effet tombé au milieu d’une réunion complète de ses mortels ennemis, et, si nous avions un roman à écrire, ce serait ici le lieu de peindre l’intérieur de la caverne, les torches flamboyantes, les moustaches des contrebandiers, l’effroi de Pat l’Irlandais, et la persuasion où il devait être que l’enfer venait de s’ouvrir pour lui ; mais nous sommes historiens : ne trouvant rien de tout cela dans les Reports et les Judiciary Documents de l’année 1790, où ces évènemens eurent lieu, nous dirons seulement, et sans empiéter sur le domaine des romanciers, que nos fraudeurs se trouvèrent aussi embarrassés de leur prise que Pat de sa personne. On ouvrit plusieurs avis ; celui qui réunit le plus grand nombre de voix fut le plus dur. Il n’allait à rien moins qu’à se défaire du pauvre Pat, seul moyen d’assurer son silence éternel et de ne plus le craindre. Pat maudissait trop tard sa curiosité excessive et aventureuse ; il avait découvert le secret de ces