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classes inférieures du peuple. Pour relever ces classes dégradées par un si long esclavage, les patriotes ont pensé à réagir d’abord contre le vice qui s’est le plus enraciné parmi elles, contre l’ivrognerie. Une société de tempérance s’est fondée, et les curés des campagnes sont chargés d’en seconder le développement. Il y avait apparence de folie à se flatter d’introduire la tempérance en Pologne, où, de temps immémorial, le paysan trouve dans les liqueurs fortes le seul adoucissement à ses maux. Cependant la société n’a pas tardé à faire de tels progrès, que la police russe a cru devoir l’interdire ; mais en même temps, saisissant avec son habileté ordinaire l’occasion d’enrichir son fisc, le tsar a chargé d’énormes impôts la fabrication et la vente de toutes les liqueurs : il en a, par oukase, interdit le débit aux juifs et à toutes les auberges situées hors des villages. Le privilège d’avoir un cabaret à eau-de-vie n’est plus concédé qu’aux localités qui comptent au moins vingt maisons, et dans les villes il n’en est accordé qu’un pour cinq cents habitans. En outre, aucune dette pour eau-de-vie n’est plus reconnue comme valide devant les tribunaux. Le fisc impérial pourra bien gagner quelque chose à ces mesures répressives, mais la moralité du peuple polonais y gagnera aussi, et les effets de cette réhabilitation morale ne seront pas à l’avantage du tsarisme. Vainement dans son dépit le cabinet russe est allé jusqu’à faire défendre aux curés de prêcher en chaire contre l’ivrognerie, vainement il a tâché de s’attribuer à lui seul tout le mérite de l’œuvre commencée à son insu : l’œuvre de la société de tempérance, même appuyée par des oukases moscovites, n’en est pas moins restée une œuvre nationale. Pour la propager il n’y a point eu besoin d’un apôtre spécial, d’un homme extraordinaire, comme l’a été en Irlande le père Mathieu. Dans la Pologne autrichienne, il est vrai, le clergé a dû demander, mais il a eu le bonheur d’obtenir de la police viennoise l’autorisation nécessaire pour combattre le vice national avec les armes spirituelles. Depuis lors l’ivrognerie décroît rapidement en Gallicie ; ce progrès moral a même été si sensible, que la noblesse, pour laquelle le loyer des cabarets établis sur ses terres forme le revenu le plus net et le plus certain, a vu s’opérer dans sa fortune une réduction considérable. Elle n’en favorise pas moins le développement de ces associations, au risque d’être obligée plus tard de restreindre son luxe, et de s’imposer elle-même à son tour des lois somptuaires.

Les sociétés de tempérance fondées dans les trois Polognes ont donc eu pour effet de rapprocher des classes jusqu’ici divisées par mille préjugés. Le prêtre, qui dans ces contrées est presque toujours