jusqu’à présent dans les bureaucrates de Vienne leur seul appui contre la noblesse, peuvent reconnaître aujourd’hui que cette bureaucratie allemande est au contraire le principal obstacle à leur bien-être et au progrès social de leur pays. Depuis six ans, la diète de Léopol s’obstine à demander la faveur d’adresser au monarque une pétition pour qu’on permette aux paysans de payer en argent l’équivalent de leurs corvées, et même de libérer tout-à-fait leurs terres, de manière à en devenir les vrais possesseurs. Le cabinet aulique n’a consenti qu’il y a quelques mois à recevoir cette pétition ; mais, avec son habileté ordinaire, il a aussitôt outrepassé la demande : il se montre décidé à laisser enfin les nobles affranchir à leur gré, et dans la mesure où ils le voudront, tous leurs serfs, en les rendant soit fermiers, soit propriétaires, avec ou sans redevances. Convaincue que très peu de seigneurs pousseront le patriotisme jusqu’à se dépouiller ainsi spontanément d’une partie de leur fortune, l’Autriche compte reprendre par là l’initiative des idées libérales aux yeux du peuple ignorant de la Gallicie. Cependant les nobles de ce malheureux pays commencent à faire à la cause publique les plus grands sacrifices. Partout, ils fondent des écoles, des hôpitaux, des salles d’asile. Quelle plus belle chose, par exemple, que l’établissement de cette maison d’orphelins de Léopol, pour laquelle le comte Stanislas Skarbek a légué tous ses biens, 3,750,000 francs, et où seront élevés, instruits et nourris, mille enfans pauvres, dont quatre cents pourront habiter la maison même !
C’est surtout parmi les deux millions de Polonais soumis au sceptre de la Prusse que l’esprit de réforme se développe avec une ardeur digne d’exciter toutes les sympathies de l’Europe. La diétine de Posen s’élève peu à peu à l’importance d’une diète nationale ; dans son enceinte mûrissent des talens oratoires de la plus haute portée, et les débats de cette assemblée, livrés du moins en partie au peuple par la presse, retentissent dans tout le grand-duché. Pendant les trente jours que dure cette diète, Posen a tout l’imposant aspect d’une grande capitale ; elle éclipse même Berlin par la magnificence des équipages des nonces et le luxe véritablement oriental de la noblesse polonaise. On conçoit que de telles démonstrations inquiètent le cabinet prussien. De là ses efforts pour ramener le grand-duché au système général d’administration qui régit la monarchie ; de là l’espèce d’affectation que met le roi grand-duc à appeler du nom de Prussiens ses sujets du grand-duché, nom contre lequel la diète a protesté en 1842, en envoyant au monarque une adresse qui lui rappelle ses promesses de maintenir dans le grand-duché une nationalité distincte de