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COURANTES


Médecins et médicamens (comme sous l’esclavage) 188,000
SALAIRES.


La suppression du jardin et du samedi, laissés à l’esclave pour sa nourriture, élève le nombre des jours de travail à 300 par année ; soit donc en tout 3 millions de journées, à 1 fr 3,000,000
TOTAL 4,000,000 fr.

Il semble, à ce premier aperçu, que le travail libre revienne à 1 fr. 33 cent. par journée, c’est-à-dire au tiers en sus du travail servile ; mais l’affranchi, forcé de pourvoir à ses besoins, restitue pour loyer, nourriture, vêtemens et soins médicaux, environ 9/10e de ce qu’il touche en salaires ; sur ces dépenses, la compagnie retrouve un bénéfice assez considérable pour que le prix réel de la journée libre retombe bien au-dessous des frais de l’esclavage. Ce bénéfice fait sur les acheteurs n’a rien que de très légitime : il est même dans l’intérêt de la communauté. Maîtresse du sol et des instrumens de travail, opérant en grand et avec économie, la compagnie pourrait produire ou acquérir les choses nécessaires à la vie à des prix excessivement bas : si elle revendait au consommateur à prix coûtant, le salaire de 1 fr. serait ridiculement exagéré ; il faudrait le réduire. Or, comme les prix des denrées et des salaires sont les régulateurs de tous les autres prix, il en résulterait une baisse sur l’ensemble des choses, un avilissement de toutes les valeurs de la colonie, par comparaison avec les pays voisins et même avec la métropole. Pour éviter une perturbation brusque dans les échanges, il faut donc respecter l’équilibre établi, et c’est pourquoi nous maintenons les prix des vivres et des salaires au minimum des prix actuels.

L’important est que le noir émancipé, vivant à son compte, trouve pour le présent une amélioration notable à son sort, et acquière pour l’avenir la chance de s’élever à cette large aisance sans laquelle la liberté n’est qu’un mensonge. Établissons donc le budget modeste de l’affranchi. En supposant deux journées à 1 fr. pour un ménage de trois personnes, dont un enfant, et 300 jours de travail dans l’année, on obtiendra une recette de 600 fr. par ménage. Cette somme pourra être employée ainsi :