Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’excès de cette pauvreté a changé le caractère du peuple. Les Gallois étaient une race assez semblable aux montagnards de l’Écosse et gardant comme eux les traditions de la famille ainsi que les liens du clan, passionnés dans leurs attachemens autant qu’acharnés dans leurs haines, et portant la reconnaissance à ce point, qu’un avocat de Carmarthen, qui donnait gratuitement des consultations aux pauvres, étant venu à mourir, la ville entière prit le deuil. On obtenait tout d’eux avec une parole conciliante ; leur respect pour les maîtres du sol était sans bornes, et aucune circonstance n’avait fait brèche à leur docilité éprouvée. Aujourd’hui, la population se trouve divisée en deux camps, ceux qui possèdent et ceux qui travaillent. Les propriétaires sont considérés comme une classe à part, et comme tels on les déteste ; le paysan passe à côté d’eux, sans porter comme autrefois la main à son chapeau.

On a comparé l’état du pays de Galles à celui de l’Irlande ; il y a misère en effet et même oppression des deux côtés ; mais les maux que le gouvernement anglais a infligés d’une main si libérale à l’Irlande étaient le fait d’un conquérant qui agissait de propos délibéré et en connaissance de cause. L’intention du pouvoir n’a été pour rien dans les souffrances du pays de Galles ; cette contrée porte seulement la peine de la mauvaise administration qui la régit. On imaginerait difficilement à quel point le pays de Galles demeure inconnu à l’Angleterre, et l’Angleterre au pays de Galles. Il est tel comté gallois où les proclamations du gouvernement n’ont jamais été publiées, où l’on sait à peine le nom du souverain qui règne sur le royaume-uni. Les Anglais ignorent l’idiome qui se parle dans le pays de Galles, et les Gallois n’entendent pas l’anglais. Cette ignorance oppose à leur éducation des obstacles presque insurmontables, car le gallois est une langue sans livres, dans laquelle on ne peut apprendre ni les sciences, ni l’histoire, ni la religion, ni même les arts usuels et les secrets du travail, qui conserve les traditions et qui favorise par conséquent l’esprit de routine, mais qui ne saurait aujourd’hui servir d’instrument au progrès.

Sans doute la différence des races explique la différence persévérante des idiomes. Les Gallois appartiennent comme les Irlandais à la race celtique, et ils ont un égal éloignement pour le sang saxon. un des articles du programme de Rébecca est même dirigé spécialement contre l’emploi dans le pays de Galles des ouvriers et des surveillans anglais ; mais les autres Celtes de l’empire, les Irlandais et les Écossais, quoique soumis plus tard, ont adopté bien plus complètement