prix du sang. Il fallut donc songer à des expéditions d’une autre nature. Un officier de la police judiciaire, M. Hall, dépêché sur les lieux, avait déjà constaté sommairement l’origine et le caractère du désordre. On donna plus de solennité à l’enquête, en la confiant à trois commissaires, parmi lesquels figurait un homme d’une grande expérience et d’une égale autorité, M. Frankland Lewis.
Cette mesure, jointe à quelques concessions des propriétaires fonciers, calma presque aussitôt les troubles. Une population qui avait bravé et lassé la force publique céda d’elle-même dès que la presse et le pouvoir parurent prendre intérêt à son sort. L’agitation tendit à se régulariser, et les protestations armées firent place aux pétitions les plus pacifiques. Les Gallois, dans leur ignorance et dans leur confiance, supposaient que le gouvernement pouvait et voulait leur rendre justice, du moment où il s’enquérait de leurs griefs.
Le pays de Galles, sous le rapport moral, se distingue honorablement des autres parties du royaume. Les douze comtés, les comtés les plus pauvres, sont ceux où l’on respecte le plus les personnes et les propriétés. Il s’y commet très peu de délits et de crimes ; en 1842, pendant que l’on comptait, dans l’Angleterre proprement dite, un délinquant sur 489 habitans, et un délinquant sur 627 habitans en Écosse, le pays de Galles n’a présenté qu’un délinquant sur 1,368 habitans. Durant les troubles, lorsque Rébecca renversait les châteaux et démolissait les barrières, ses gens gardaient leurs mains pures et ne s’appropriaient rien de ce qu’ils avaient touché. Tout le temps que ces bandes ont parcouru nuitamment la contrée, l’on ne citerait pas un seul acte de pillage. Quel contraste avec les mœurs de la race anglo-saxonne, et comme le peuple de Galles doit sembler honnête à côté de la populace bien voisine pourtant qui a saccagé Bristol !
Pour qu’une population aussi amie de l’ordre se soit portée, avec toutes les apparences d’un mouvement unanime, à des excès que l’on peut considérer comme une révolte ouverte contre la société, il faut assurément qu’on lui ait rendu l’existence insupportable. C’est la conclusion qui se trouve exprimée avec une naïveté touchante dans l’apologue suivant qu’un fermier raconta, pour tout discours, devant une assemblée de paysans ; car le peuple de Galles, comme tous les peuples enfans, donne volontiers à ses sentimens la forme de l’apologue :
« Un gentilhomme avait un très beau cheval, qu’il montait depuis des an nées et qui avait l’allure douce autant que le pied sûr. Un soir, en revenant chez lui, il fut fort étonné de voir que son cheval, au lieu de marcher paisiblement