que les Anglais eux-mêmes ont baptisés du nom odieux de bastilles. Plus tard, les fermes furent attaquées ; les propriétaires menacés émigrèrent en foule ; Rébecca, étendant son ambition, s’érigea en censeur de la société et en redresseur des torts ; la terreur régna dans la contrée.
L’organisation des rébeccaïtes était remarquable : ils n’avaient pas de chef, car Rébecca n’était qu’un rôle que chacun remplissait à son tour : ils ne levaient pas de drapeau, car c’était une protestation qu’ils entendaient faire, et non une révolte. Cependant le concert entre eux était universel et instantané, comme dans un pays insurgé contre ses conquérans ; des feux allumés sur les hauteurs servaient de signaux télégraphiques ; le cornet à bouquin ne cessait de retentir dans les bois ; les rébeccaïtes s’exerçaient au maniement des armes et à la discipline militaire ; ils tenaient des assemblées pendant la nuit, et des enfans portaient les lettres de convocation de ferme en ferme ; un ensemble admirable présidait à tous leurs mouvemens, que protégeait d’ailleurs un invariable secret. Quand ce n’est pas la volonté souveraine d’un homme qui imprime cette unité d’impulsion, elle ne peut être le produit que du concours de la population tout entière.
L’Angleterre ne s’émut pas, au premier abord, des désordres dont le pays de Galles était le théâtre : comme on n’y apercevait aucun caractère politique, on laissa volontiers à la magistrature locale le soin de les réprimer. Ajoutez que les allures romanesques de Rébecca et de son lieutenant, miss Cromwell, devaient charmer les imaginations dans cette société blasée. Le peuple qui, courant après les émotions d’un autre âge, s’était donné, quelques années auparavant, le spectacle d’un tournoi, au château d’Eglintoun, battit des mains, croyant entendre un écho de Robin Hood ou d’Owen Glendwor. Les grands journaux de Londres mirent des correspondans aux trousses de la dame, et donnèrent tous les matins le récit de ses faits et gestes celui du Times, admis aux séances mystérieuses de ce parlement de paysans, intéressa le public à leurs plaintes. La curiosité fraya les voies à la sympathie.
Le gouvernement lui-même fut entraîné par l’exemple. Voyant la police battue ou désarmée, il avait envoyé des régimens de dragons, et avait publié des proclamations par lesquelles de fortes primes (depuis 50 liv. sterl. jusqu’à 500 liv. sterl.) étaient offertes à quiconque livrerait ou dénoncerait Rébecca ; mais les dragons, constamment devancés ou évités par les insurgés, s’épuisèrent en marches et en contre-marches. L’argent n’ébranla pas la fidélité que les Gallois s’étaient jurée, et pas un traître ne se rencontra pour venir réclamer le