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chose de plus que la foi intelligente, ce problème sur lequel s’était consumée l’ame de Pascal. Cherchant aussi le chimérique dans la vertu, il ne s’était pas contenté de la pureté laborieuse et pleine de combats des saints, et il voulait arriver à celle des parfaits, espèce de saints qui échappaient à la lutte par l’inaction, ou plutôt, et n’est-ce pas là le comble du chimérique ? il aspirait à réunir en lui tous les caractères et toutes les dispositions, et à être à la fois le docteur de la tradition et le mystique de l’expérience propre, le saint et le parfait. Doué d’ailleurs d’une imagination tendre et d’une ame passionnée, dans une condition qui lui interdisait de donner son cœur à aucune créature vivante, il ne trouva que Dieu qui lui fît connaître la douceur d’aimer impunément. Encore craignait-il de se trop aimer lui-même dans cet amour, et c’est ce qui lui fit imaginer cette étrange échelle de cinq manières d’aimer Dieu, de cinq amours de Dieu, avec lesquels se combinait, dans des proportions décroissantes, un mélange d’intérêt propre, et dont le dernier était cet amour entièrement désintéressé, sans espérance, sans crainte, sans alliage d’aucun sentiment humain, lequel formait le suprême état de perfection enseigné par les quiétistes.

Quand Fénelon rendit cette doctrine publique dans son fameux livre des Maximes des Saints, tout le monde s’écria que le quiétisme ressuscitait. Il fit d’incroyables efforts de souplesse pour se tenir séparé des quiétistes, comme, avant lui, les jansénistes pour se distinguer de Calvin ; mais il ne persuada personne. La méthode même de son livre eût suffi pour le rendre suspect. Voulant faire voir le vrai et le faux sur chaque point où le pur amour et le quiétisme pouvaient se toucher, il avait placé en regard de chaque proposition fausse et condamnable la proposition qu’il estimait vraie et autorisée par les parfaits : mais tantôt les différences étaient si insensibles qu’on pouvait douter qu’il en tînt sincèrement compte ; tantôt il paraissait mettre tant d’indifférence ou de complaisance en exposant le faux, et si peu de soin à le faire haïr, qu’on n’était pas persuadé qu’il n’y eût pas le même goût qu’au vrai ; outre que, par l’effet même de sa bonne foi, dans un livre où il prétendait se distinguer des quiétistes, Fénelon n’avait trouvé ni à blâmer ni même à mentionner Molinos, oubli qui pouvait être interprété tout au moins comme le manque d’une répugnance présente et forte. Mme de Maintenon, qui ne lui fut jamais malveillante, l’image même du sens commun dans le grand siècle, disait, à l’époque où l’affaire se jugeait à Rompe : « Si M. de Cambrai n’est pas condamné, c’est un fier protecteur pour le quiétisme. » Tout le monde pensait comme Mme de Maintenon.