vient atténuer dans une certaine mesure cette extrême inégalité, c’est cette circonstance que les chemins de fer ont en général une direction plus droite, et par conséquent un moindre développement entre deux points extrêmes. En prenant plusieurs exemples, nous avons calculé que la différence à cet égard pouvait être en moyenne d’environ un quart : elle est bien loin, comme on le voit, de compenser la différence des prix. Et, par exemple, dans la direction du nord dont nous venons de parler, la voie navigable a 457 kilomètres de développement, tandis que le chemin de fer n’en aura que 320 ; c’est un des cas les plus favorables, ce qui n’empêche pas que le tarif du chemin de fer s’élèvera, comme on a vu, à 32 francs par tonne, tandis que sur la voie navigable il ne s’élève, péage déduit, qu’à 12 francs 50 centimes, qui se réduiraient même à 10 francs 50 centimes, c’est-à-dire à moins du tiers, si la voie était complète.
Mais d’un autre côté, les chemins de fer réunissent sur une même voie deux services, celui des voyageurs et celui des marchandises, et comme ils peuvent, lorsque le premier est assez actif, recouvrer par le seul transport des voyageurs l’intérêt du capital engagé et la dépense de l’entretien de la voie, ils ont la faculté d’exonérer de ces frais les marchandises. Ceci n’est pas, du reste, une exception, c’est la règle ; ce n’est pas une hypothèse, c’est la réalité, au moins pour toutes les entreprises prospères. Rien de semblable pour les canaux. Lors donc que ces derniers sont la propriété de compagnies qui cherchent, comme de raison, leurs bénéfices, ou tout au moins l’intérêt de leurs capitaux, qu’elles ne peuvent obtenir que par le prélèvement d’un péage, il arrive précisément le contraire de ce qu’on a supposé souvent : c’est que la batellerie est obligée de soutenir la lutte avec la surcharge d’un péage dont le chemin de fer est, quant aux marchandises, exempt. Peut-elle la soutenir à ces conditions ? Oui, dans certains cas, mais non toujours, ou plutôt il faut s’entendre.
La question est moins de savoir si la batellerie pourra se soutenir que de savoir si le produit du canal restera suffisant pour indemniser ses propriétaires. Pour la batellerie, le danger n’existe, selon nous, dans aucun cas, et nous croyons qu’on s’est alarmé bien à tort sur ce sujet. Quoi qu’il arrive, la supériorité effective pour le transport lui reste. Que si le péage devient accidentellement trop lourd pour lui permettre de soutenir la lutte à conditions égales, les propriétaires seront toujours forcés de le réduire, sous peine de voir déserter la voie. Il s’agit donc de savoir seulement si ces derniers trouveront