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objet, le péage doit produire annuellement une somme fixe, invariable. Supposons, par exemple, un canal dont la construction ait coûté 200,000 francs par kilomètre, et dont l’entretien exige, pour la même longueur, une dépense moyenne annuelle de 2,000 francs. En ajoutant à cette dernière somme l’intérêt à 5 pour 100 des capitaux engagés, on trouvera que la voie doit rapporter, à titre de péage, 12,000 francs par kilomètre et par an. Par un calcul semblable, on pourrait établir que pour un chemin de fer ce produit doit s’élever, par exemple, à 20,000. Ces données, une fois établies, demeureront d’ailleurs constantes, quoi qu’il arrive, puisque le point de départ ne change pas, c’est-à-dire, en d’autres termes, que pour que la construction et l’exploitation de ces voies ne soient point une mauvaise opération financière, il faudra qu’en tout temps le montant des droits perçus à titre de péage sur les transports s’élève à ces chiffres invariables, de 20,000 francs par kilomètre et par an pour le chemin de fer, de 12,000 pour le canal. Nous laissons de côté la part des bénéfices, qui est arbitraire, qu’on élève ou qu’on abaisse selon les circonstances, et qui n’est pas un élément nécessaire de notre calcul.

De cette fixité nécessaire du produit total du péage, il résulte qu’il se répartit d’une manière très inégale sur les transports, selon que ces transports sont plus ou moins multipliés. En effet, une somme de 12,000 francs répartie sur une circulation moyenne de 100,000 tonnes supposerait, pour indemniser les propriétaires de la voie, un tarif de 12 centimes par tonne, tandis qu’avec une circulation double ce tarif se réduirait aussitôt de moitié. Cette considération montre combien on s’est trompé quand on a voulu déterminer d’une manière générale le montant des droits à percevoir à titre de péage, soit sur les chemins de fer, soit sur les canaux. Il n’y a point à cet égard de règle sûre, au moins point de principe absolu, puisque cela dépend de la somme totale des transports effectués. L’assiette du péage varie donc selon l’activité de la circulation, et à cet égard les différences sont telles d’une voie à l’autre, que, dans certains cas, un prélèvement de 2 centimes par kilomètre et par tonne serait largement rémunérateur, tandis qu’ailleurs un prélèvement de 10 centimes constituerait à pelle, pour les propriétaires de la voie, une suffisante indemnité. Qui ne voit ici tout d’abord le principe et la cause de grandes inégalités dans les conditions d’exploitation ? On s’explique déjà, pour peu qu’on réfléchisse, les anomalies dont nous parlions tout à l’heure. Vainement, en effet, un mode de transport serait-il foncièrement égal, ou