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décevantes, trop favorablement écoutées, tel est le but que nous nous proposons.

Déjà plusieurs écrits recommandables ont été publiés sur cette matière, et nous avons recueilli, sans les mettre toutes en usage, les précieuses données qu’ils fournissent[1]. Nous ne nous sommes astreint toutefois à suivre aucun de ces écrits, alors même que nous en adoptions les principes, d’autant mieux que nous faisons intervenir dans le débat des considérations d’une haute valeur selon nous et qu’on a trop négligées jusqu’à présent.

Dans notre manière de voir, les chemins de fer et les canaux se présentent comme devant concourir au même but par l’heureux accord de leurs fonctions. À ces derniers resterait la spécialité du transport des grosses marchandises ; aux autres appartiendrait de préférence le transport des personnes et celui des marchandises légères, ou plutôt de toutes celles pour lesquelles l’avantage d’une locomotion rapide l’emporte sur celui du bas prix. En ce sens, les deux modes de communication, quoique rivaux, et au sein de leur rivalité même, se prêteraient en quelque sorte une assistance mutuelle ; par leur concours, les besoins du public seraient mieux et plus complètement satisfaits. On ne veut pas qu’il en soit ainsi ; on prétend que la supériorité des chemins de fer est générale, absolue, et que partout où ils se trouvent en concurrence avec des voies navigables, ces dernières seront inévitablement détruites : c’est ce qu’il faut examiner.

Les chemins de fer, ainsi que le disait fort bien un ministre belge, l’emportent sur les voies navigables par leurs qualités générales comme moyens de transport, puisqu’en effet ils peuvent transporter à la fois, et à des conditions plus ou moins satisfaisantes, les personnes et les choses, les marchandises légères et les marchandises lourdes, tandis que les voies navigables, sauf quelques exceptions assez rares qui ne tirent point à conséquence, ne sont guère utiles ou convenables que pour le transport de ces dernières. C’est là une vérité, généralement, admise, qui n’a été, à notre connaissance, niée par personne, si ce n’est peut-être par ceux qui sembleraient avoir aujourd’hui le plus d’intérêt à l’affirmer. Il s’agit de savoir seulement si, dans l’emploi de leurs facultés spéciales, qui consistent à transporter économiquement les matières pesantes, les voies navigables ne l’emportent pas à leur tour sur toutes les voies rivales.

  1. Nous devons une mention particulière à l’excellent ouvrage publié par M. Ch. Collignon, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, sous ce titre : Du Concours des Chemins de fer et des Canaux.