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Celles-ci consistèrent dans le principe en réunions de cinquante à cent hommes au plus, et prirent le nom de stannitza. Ces Cosaques stationnaires ne reçoivent aucune subvention du gouvernement, qui leur accorde seulement des terres, l’exemption de tout impôt et le droit de se livrer au commerce ou à l’industrie. En revanche, ils doivent se fournir d’armes et de chevaux, veiller à la sûreté des frontières et des contrées où ils sont établis, tenir en état les routes qui traversent leur territoire, construire et entretenir les établissemens nécessaires pour leur administration, fournir des chevaux et le logement aux employés qui voyagent par ordre du gouvernement.

Ces colonies, disséminées sur des frontières lointaines ou des plaines sans bornes, nous semblent devoir exercer un jour une grande influence sur l’avenir de ces contrées. Quelques-unes ont déjà pris un développement considérable, et présentent l’aspect de villages dont tous les habitans jouissent de l’aisance que donne le travail. Placées ainsi sous les yeux des tribus nomades, elles constituent autant de centres qui doivent tôt ou tard les attirer et les fixer d’autant plus facilement que les Cosaques apprennent et parlent sans peine la langue des peuples qui les entourent. Déjà les Kirghiz commencent à reconnaître les avantages de la vie européenne. Après avoir servi comme ouvriers ces Cosaques qui les dominent, ils ont cherché à les imiter. Ces farouches enfans de la steppe dressent volontiers leurs yourtes à côté des stannitza, quelques-uns même ont remplacé leurs habitations ambulantes par de véritables maisons, et se livrent à l’agriculture, Sans doute, ces résultats sont encore peu de chose dans le présent ; mais c’est beaucoup pour l’avenir, et l’on peut prédire que le moment viendra où ces hordes errantes se métamorphoseront en peuples cultivateurs.

Les exilés forment en Sibérie la très grande majorité de la population russe. Parmi eux, il faut distinguer plusieurs catégories très distinctes, et avant tout les déportés pour crimes ou délits. La peine de mort n’existe pas en Russie ; elle y est remplacée par le knout et la déportation. Les condamnés pour crimes capitaux sont occupés aux travaux forcés, et correspondent à peu près à nos galériens. Quant à ceux qui ont encouru des peines moins sévères, ils sont partagés en cinq classes. La première comprend les individus qui ont subi la peine du fouet. Ils sont employés aux travaux les plus rudes dans les usines et les fabriques, et portent le nom d'ouvriers provisoires. La seconde renferme les condamnés destinés à divers métiers qui exigent une