les régions boréales, le voyageur pourrait se croire à l’abri de leurs morsures. Il n’en est rien. Les cousins sont un des fléaux des vallées de l’Altaï. Dès que la température s’adoucit, aux premiers jours d’un printemps bien tardif, ils envahissent l’air par myriades, et attaquent l’homme avec fureur, comme s’ils voulaient profiter d’une proie que le ciel leur envoie si rarement. Souvent M. de Tchihatcheff se vit assailli par leurs essaims affamés, alors même que la neige et la glace craquaient encore sous ses pieds. Au reste, ces parasites, émules des mousquites des pays chauds, pénètrent jusqu’aux latitudes les plus froides. L’amiral Wrangel nous apprend qu’à Nijni-Kolimsk, trois degrés au-delà du cercle polaire, pendant les deux mois que dure l’absence des fortes gelées et qu’on y appelle l’été, le ciel est obscurci par des nuées de cousins. On ne parvient à se garantir de leurs attaques qu’en vivant au milieu d’une fumée suffocante. Triste destinée de l’homme du nord, qui rencontre auprès du pôle presque tous les fléaux des pays chauds sans la moindre compensation ! Dans ces régions désolées règnent comme sur les bords du Nil les ophthalmies, le typhus, les épizooties ; mais il y manque la brise du soir, si douce après une journée brûlante, les acacias avec leurs fleurs embaumées, les dattiers avec leurs fruits. Dans ces déserts de glace, il n’existe point d’oasis.
La population indigène de l’Altaï se compose presque uniquement de tribus errantes appartenant à la race mongolique, et désignées sous le nom générique de Kalmouks. On peut la considérer comme partagée en deux grandes familles, dont l’une habite à l’est, l’autre à l’ouest de la Katoune, un des principaux affluens de l’Ob. Ces peuples reconnaissent eux-mêmes cette division, et se désignent par des expressions correspondantes à celles que nous venons d’employer. Au reste, entre ces deux branches d’un même tronc il n’existe pour ainsi dire aucune différence. Langage, mœurs, usages, tout leur est commun. Seulement les tribus de l’est présentent à un degré bien plus prononcé les caractères de leur race, et en considérant les portraits, donnés par M. de Tchihatcheff, de deux zaïzanes ou chefs des environs de la Tchouya, on ne peut méconnaître à ces pommettes saillantes, à ces yeux étroits et obliques, le type chinois dans toute sa pureté.
Les Kalmouks de l’Altaï paraissent être les descendans de ces hordes