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par des voyageurs chargés d’explorer ces régions, d’en faire connaître la topographie, de découvrir les ressources de tout genre qu’elles peuvent offrir à l’agriculture, au commerce, à l’industrie. Chaque année aussi se multiplient des conquêtes pacifiques bien autrement profitables que celles de la guerre. Au milieu de ces déserts dont le nom ne soulève dans nos esprits que des idées de misère et de désolation existent de vastes plaines, de riches vallées où la terre récompense avec usure les moindres soins du laboureur, des pâturages immenses où d’innombrables troupeaux trouveraient une nourriture plus que suffisante, des forêts prêtes à livrer les matériaux nécessaires à l’établissement des colons, et le combustible indispensable pour braver les rigueurs des hivers. À ces élémens d’une exploitation agricole des plus fructueuses se joignent des richesses minéralogiques dont la valeur dépasse peut-être tout ce qu’on connaît des contrées les plus favorisées sous ce rapport. On dirait que la nature s’est plu à réunir en Sibérie les trésors qu’elle a disséminés dans le reste du monde. Tous les métaux usuels, et en particulier le fer et le cuivre, s’y rencontrent à côté de l’or, de l’argent, du platine, et comme pour assurer à jamais leur exploitation, de vastes amas de houille sont là prêts à remplacer le bois quand les forêts seront épuisées.

Au nombre des portions les moins connues de la Sibérie, se trouve une vaste contrée placée sur les confins de la Chine, entre les 49e et 56e degrés de latitude, et les 78e et 89e degrés de longitude. C’est cette région que M. de Tchihatcheff a été chargé d’explorer, et, nous devons le dire tout d’abord, ce voyageur s’est acquitté de sa mission avec un zèle et une intelligence dignes des plus grands éloges. Au reste, M. de Tchihatcheff n’en était pas à son coup d’essai. Quoique jeune encore, il a déjà parcouru la plus grande partie du globe. Il a sillonné en tout sens les divers états de l’Europe, séjourné pendant plusieurs années dans l’Asie méridionale, habité le Mexique, visité les îles de l’Océan Pacifique. Possédant cette généralité de connaissances si importantes pour tout voyageur qui veut être autre chose qu’un simple touriste, il a rendu aux diverses sciences de nombreux et importans services. Cependant M. de Tchihatcheff s’est occupé surtout de minéralogie et de géologie, et, dans le voyage dont nous allons indiquer les principaux résultats, il a trouvé une belle occasion pour se livrer à ses études favorites. Aussi le mémoire présenté par lui à l’Académie des Sciences sous le titre de Recherches sur la constitution géologique de l’Altaï offrait-il un haut intérêt. Dans un rapport remarquable qu’avaient signé avec lui MM. Ad. Brongniart et Dufrénoy,