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mais comme ceux de l’Iliade elle-même. Celui que les Aztèques appelaient Tonatiuh (le Soleil) à cause de sa haute stature, de sa fière contenance et ses longs cheveux blonds, Alvarado del Salto, a la vigueur colossale du grand Ajax, la vaillance du fils de Tydée, et les audacieux emportemens de l’autre Ajax, qui ne s’arrête devant rien, pas même devant le sacrilège. A côté de cette figure terrible, on aime à envisager le jeune et héroïque Sandoval, celui que Cortez appelle son fils, et qui, auprès de lui, représente le fidèle Achate ou le bien-aimé Patrocle ; mais il a vingt coudées de plus que l’ami d’Énée ou que le fils de Menoetius : il commande l’admiration par l’ardeur et l’énergie de son courage ; il est touchant par l’affection qu’il reçoit et par celle qu’il rend. Après l’assaut où les Espagnols ont été rudement repoussés par Guatimozin, quand il part de son campement pour aller à l’état-major-général chercher des nouvelles de Cortez, que les Aztèques se sont vantés d’avoir tué, et que seul, sur un cheval épuisé par une journée de combat acharné, il traverse une vaste plaine couverte d’ennemis impitoyables, le lecteur le suit avec un intérêt que Tancrède et Renaud excitent à peine dans les momens les plus palpitans, et que n’éveille pas le jeune Pallas à l’instant suprême. Christoval de Olid, plus tard cependant félon envers son général, Velasquez de Léon, Avila, Quinones, Andres de Tapia, Escalante, sont assurément comparables à Idoménée, à Philoctète, à Mérion, à Ménélas, à Antiloque, à Mnesthée. Thersite, lâche au combat, plus lâche par la diffamation qu’il répand sur les héros, se retrouve à peu près dans les conspirateurs qui complotent d’attenter à la vie du général, ou dans ces quelques compagnons de Narvaez, qui, chargés de butin, veulent retourner à Cuba sans que l’entreprise ait été consommée. Le bon père Olmedo, prêtre rempli d’une foi éclairée et d’une charité inaltérable, qui tempère le prosélytisme ardent des Espagnols et retient Cortez, sur ce seul point impatient, est une physionomie bien autrement belle et pieuse que l’inanimé Calchas. Et qui voudrait changer le vigilant pilote Alaminos pour Palinure l’endormi ? Le général de l’armée, Cortez, réunit la majesté inflexible du grand Agamemnon et toutes les qualités de commandement qui’ distinguent le roi des rois, à l’irrésistible impétuosité d’Achille et à l’habileté d’Ulysse, inépuisable en expédiens et en artifices.

Parmi les Indiens auxiliaires, on distingue le prince de Tezcuco, Ixtlixochitl, jeune homme emporté, d’une bouillante fidélité à ses nouveaux amis, qui, souvent interpellé comme un traître par les Aztèques,