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dieux, et on les qualifie de dioses blancos (les dieux blancs). Qu’importe pourtant à Cortez ? Il n’est pas venu pour goûter les splendides loisirs d’une hospitalité impériale. Il a son but toujours devant lui, ce qui lui donne un grand avantage sur Montezuma, qui est bourrelé d’incertitudes. L’empereur aztèque conserve, il est vrai, un pouvoir immense. La terreur qu’il inspirait au loin s’est affaiblie, et c’était le ressort de son autorité ; Cortez a recueilli, même entre Cholula et la capitale, beaucoup de murmures contre le gouvernement aztèque : cependant, telle est l’opinion qu’on a encore de l’empereur et de sa puissance, qu’aux portes de Mexico, les Cempoallans, qui jusqu’alors ont suivi fidèlement Cortez, viennent lui dire qu’il ne leur est pas possible d’en franchir l’enceinte et de s’exposer au courroux du grand Montezuma.

Dans la solennelle audience où Montezuma, entouré de sa cour, reçoit Cortez et ses officiers, l’empereur déclare au conquistador qu’à tant de hauts faits accomplis par les Espagnols, non moins qu’à la direction par laquelle ils sont venus dans ses états, il lui est impossible de ne pas les reconnaître pour les envoyés du grand et bon Quetzalcoatl qui a civilisé l’ Anahuac. Le souverain au nom duquel s’annonce Cortez ne peut être que Quetzalcoatl lui-même. Montezuma, en parlant ainsi, avait les yeux et la voix remplis de larmes. On ne pouvait douter de sa sincérité en ce moment. Dans les jours qui suivent, il comble tous les Espagnols de présens. Il n’était simple soldat qui n’eût deux colliers massifs en or. Cortez, cependant, a pris la mesure des ressources inouies dont Montezuma dispose. Il voit quel est le dévouement absolu de toute la nombreuse population de la capitale et des environs pour l’empereur aztèque. Le tempérament violent de ses compagnons, excité par tant de victoires, par le spectacle de tant de richesses sur lesquelles ils étaient portés à s’arroger le droit du vainqueur, lui inspirent des inquiétudes que redouble le caractère âpre et féroce des guerriers de Tlascala. Ceux-ci, en effet, sont détestés des Aztèques et le leur rendent bien. Dans leur humeur sauvage, ils ne peuvent contenir l’arrogance dont les a gonflés le succès. Ensuite, il peut arriver d’Espagne une réponse peu amicale à ses dépêches, un rappel peut-être par l’effet des accusations et des intrigues de Velasquez, ou de la misérable envie contre tout ce qui se distingue qui anime l’évêque Fonseca, directeur des affaires des Indes. Le gouverneur de Cuba lui-même est homme à envoyer une nouvelle expédition, et d’autres auraient le mérite et le bénéfice des héroïques labeurs déjà accomplis ! Il n’y a donc pas de temps à perdre. Montezuma