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au plus haut degré l’empire de soi, gage et condition de l’empire sur autrui. A tous ces dons naturels se joignit, d’un bout à l’autre de la conquête, un bonheur incroyable ; les élémens et les évènemens semblent conspirer pour lui. Cependant la principale cause de son succès, ce fut sa foi.

Dans l’île de Cozumel, premier point de relâche, à peine a-t-il rassuré les habitans, que son lieutenant Alvarado, débarqué avant lui, avait fait fuir par ses violences, qu’il s’occupe de les convertir. Sur leur refus de renoncer à leur idolâtrie, il ordonne aux siens de saisir les statues des dieux et de les précipiter du haut en bas des temples, disposés, comme ceux des Mexicains, en pyramides. Un autel est mis à la place du sanctuaire païen ; le père Olmedo y dit la messe, et les Indiens, saisis de ce que les dieux n’ont pas aussitôt frappé de mort les étrangers qui les ont outragés dans leurs sanctuaires et leurs images, se laissent baptiser. De là on passe la province de Tabasco, dans la péninsule du Yucatan, et on y trouve des populations plus nombreuses, plus guerrières, plus avancées dans les arts. Celles-là faisaient des sacrifices humains. Les Indiens refusent de communiquer avec l’expédition ; il faut se battre. Le combat fut opiniâtre et sanglant. On vit un saint, monté sur un cheval gris, descendre du ciel pour se mettre à la tête des cavaliers espagnols et leur donner l’exemple de charger. Personne n’en douta dans l’armée, et lorsque Cortez rendit compte de l’affaire aux souverains de Castille, il leur dit : « Vos altesses royales doivent tenir pour certain que cette victoire fut remportée moins par nos forces que par la volonté de Dieu, car qu’est-ce que nous aurions pu, quatre cents hommes que nous étions, contre quarante mille guerriers ? » Terrifiés par l’artillerie, par la cavalerie, stupéfaits de l’audace de cette poignée d’hommes qu’ils prennent pour des êtres surnaturels, les Indiens se convertissent. On célèbre leur conversion par une cérémonie pompeuse le dimanche suivant, qui était le dimanche des Rameaux, et on s’embarque pour gagner les terres mexicaines où l’on sait qu’habite un grand souverain, chef d’un peuple qui possède beaucoup d’or.

Bientôt des entrevues ont lieu entre Cortez et Teutlile, gouverneur, pour Montezuma, de la province à laquelle correspond aujourd’hui le pays de la Vera-Cruz. Tout se passe à grande étiquette, comme il convient aux représentans de deux souverains puissans dont chacun se tient pour le premier monarque de l’univers. Montezuma est tourmenté du désir d’éloigner les Espagnols de la capitale. Par ses envoyés, il les détourne d’y venir, il leur fait dire, en homme qui est