Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1162
REVUE DES DEUX MONDES.

mirer : la beauté du paysage ; la perfection des cultures, ou la patience d’une population soumise à de rudes travaux qui produisent des richesses énormes et lui rapportent si peu de profit.

Le 22, l’ambassadeur et le contre-amiral s’embarquèrent sur le Mérapi, steamer de la marine royale qui devait les ramener à Batavia. Après une traversée de trente-deux heures, ils assistèrent, le soir de leur arrivée, à un bal offert par les officiers de la garnison, et le lendemain à un second bal paré et masqué, donné par la société de Veltevreden. Le 26, le contre-amiral retournait à bord : pendant les vingt-cinq jours passés sur cette rade réputée si pernicieuse, la santé des équipages n’avait aucunement souffert. Cet heureux résultat ne doit pas être attribué seulement à l’époque de la saison : le contre-amiral avait eu la précaution, en arrivant, de faire consigner les équipages ; il avait en outre prescrit de suspendre les travaux pendant la grande chaleur du jour, et d’employer les Javanais pour le service des embarcations. C’est grace à ces sages mesures qu’on n’a eu à déplorer aucun accident pendant le séjour de la Cléopâtre et de la Victorieuse à Java. De telles expéditions sont à la fois honorables et utiles, honorables pour le ministre qui les encourage, pour les chefs qui les dirigent, utiles pour notre marine dont elles fortifient l’expérience, et pour le commerce, dont elles servent les intérêts.


— Le XVIe siècle n’a pas été seulement pour la France une époque de rénovation littéraire ; à côté des poètes et des érudits, il vit marcher les libres penseurs, et notre littérature politique sortit tout armée des luttes ardentes dont le bruit ne pût couvrir ni les chants de Ronsard, ni la libre causerie de Montaigne. C’est un ami de l’auteur des Essais, c’est un des pères de cette littérature politique dont la France oublie trop les origines, que M. Léon Feugère a voulu rappeler à notre attention un peu distraite, dans un livre curieux sur la vie et les Ouvrages d’Étienne La Boëtie[1]. Cette noble physionomie, que beaucoup ne connaissaient que par d’admirables pages de Montaigne, méritait d’être étudiée dans les écrits mêmes où elle revit tout entière, avec ses inquiétudes, ses tristesses généreuses et son énergie toute romaine. Telle est la tâche qu’a remplie M. Léon Feugère ; et son livre ne nous laisse rien ignorer ni sur l’homme, ni sur le publiciste, ni sur le poète. La biographie y complète heureusement la critique. Il est à désirer que de pareilles études se continuent sur les écrivains, trop peu connus, qui, bien avant le XVIIIe siècle, donnèrent dans notre pays le signal de l’alliance de la politique et des lettres. M. Léon Feugère est entré dans une voie où il y a d’utiles recherches à faire et de légitimes succès à obtenir.



V. de Mars.
  1. Un vol. in-8o, chez Labitte, quai Voltaire, 3.