vaillent avec une extrême activité à fomenter de nouveaux troubles, malheureusement secondés pour le moment par l’irritation qu’excite sur presque tous les points de l’Espagne l’exécution des nouvelles lois d’impôt. On s’était depuis long-temps habitué en Espagne à ne rien payer pour les dépenses publiques, ou du moins à payer si peu et si mal, que le budget de cette nation de quatorze millions d’aines était une véritable fiction. M. Mon a entrepris de doter son pays d’une organisation financière quelque peu régulière. Or, pour qu’un état fasse des dépenses ; pour qu’il puisse payer ses magistrats, son armée, son administration ; pour qu’il puisse faire des routes et creuser des canaux, il faut avant tout avoir des recettes. M. Mon a donc entrepris d’avoir des recettes pour le trésor ; mais cette prétention a paru inouïe à bon nombre d’Espagnols. On sait avec quelle difficulté de nouveaux impôts s’établissent dans tous les pays du monde, excepté peut-être en Angleterre où l’intelligence de la communauté d’intérêts qui constitue l’état est poussée plus loin qu’ailleurs ; cette difficulté est d’autant plus grande en Espagne, que ce pays est moins éclairé, plus habitué à la défiance par la longue habitude d’un mauvais gouvernement, plus pauvre enfin par l’effet même de cette absence d’impôts qui se résout toujours en absence d’ordre, de justice., de sécurité, et par conséquent de travail, d’industrie et de richesse. De là les derniers soulèvemens de Madrid et ceux qui s’annoncent ou qui ont déjà éclaté dans d’autres provinces.
Nous n’avons pas ici à donner une idée complète des plans financiers de M. Mon. Qu’il nous suffise seulement de dire que ces plans ne sont pas autre chose que l’application à l’Espagne des principes généralement admis dans les gouvernemens de l’Europe, et surtout en France, en matière d’impôts. Encore ces principes ont-ils été appliqués à l’Espagne avec une extrême précaution et dans une mesure qui paraîtrait excessive dans tout autre pays. Il ne s’agit après tout que de faire rendre à l’impôt en Espagne trois à quatre cents millions par an, c’est-à-dire le cinquième ou le quart de ce qu’il rend en France, le huitième à peu près de ce qu’il rend en Angleterre. Cela semble bien peu de chose ; c’est beaucoup, à ce qu’il paraît, pour l’Espagne, car tout le monde s’est récrié. D’un bout de la Péninsule à l’autre, c’est une longue protestation : les uns réclament contre l’impôt foncier, qu’ils prétendent intolérable pour l’agriculture ; les autres s’élèvent avec passion contre l’impôt des patentes, qu’ils déclarent incompatible avec l’industrie ; ceux-ci menacent de ne plus ensemencer leurs champs, ceux-là de fermer leurs boutiques ; d’autres, et ce ne sont pas les moins irrités contre les mesures ordonnées par le ministre des finances, trouvent inconcevable qu’on ait la prétention de gêner la contrebande effrénée qui, sur toutes les côtes d’Espagne, s’exerçait en quelque sorte en plein soleil. Une partie notable de la population andalouse et catalane, qui vivait de la contrebande, se voit pour la première fois contrariée dans son industrie par une surveillance de jour en jour plus active et plus efficace. En même temps une autre population, qui vivait aussi