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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

séparé les deux dynasties a été trop court pour que des changemens notoires aient pu être introduits dans la civilisation assyrienne. D’ailleurs, les hommes qui avaient donné à cette civilisation un si admirable élan n’avaient pas encore disparu, et ils purent transporter aux palais de nouvelle création leur génie et leur habileté.

Reste à décider, entre ceux des souverains qui ont pu les habiter, quel est celui qu’on doit regarder comme fondateur, question délicate qu’il est très téméraire d’aborder, surtout en face des inscriptions si nombreuses auxquelles il faut croire que nos philologues trouveront un jour un sens certain, et qui donnera peut-être un cruel démenti à mes inductions. Cependant, comme ce n’est que du choc des erreurs et des opinions contraires que la vérité peut jaillir en passant par la discussion, on me pardonnera d’essayer mes forces pour découvrir le mot de l’énigme. Voici donc tout ce que mes réflexions et mes remarques sur ces monumens que j’ai étudiés à fond et pendant bien des mois me conduisent à croire.

J’ai dit précédemment qu’il y a cinq princes dont les conquêtes glorieuses peuvent avoir été figurées sur les murs de Khorsabad : Teglalphalazar, Salmanazar, Sennacherib, Assarhaddon et Nabuchodonosor Ier. Si le premier est reconnu pour celui qui a rétabli la dynastie assyrienne, ainsi que son surnom de Ninus-le-Jeune semble l’indiquer, on est autorisé à croire que, l’empire n’étant pas encore raffermi sous son règne, Teglatphalazar n’a guère pu s’occuper de la construction de palais aussi somptueux. Les conquêtes de ce prince n’ont pas eu, d’ailleurs, un éclat assez grand pour justifier l’orgueil qui se trahit sur les marbres de Khorsabad.

Salmanazar fit, lui, de grandes conquêtes et des guerres brillantes ; mais il ne régna que quatorze ans, et il est difficile de croire que l’ensemble des monumens retrouvés puissent être le fruit des loisirs de ce monarque pendant ce court espace de temps.

Sennacherib est celui dont le règne présente le plus de faits guerriers, et dont les conquêtes se sont étendues le plus loin. Par les batailles qu’il a livrées depuis les bords de l’Euphrate jusqu’aux régions méridionales du Nil, c’est le prince dont les exploits ont pu fournir le plus de sujets pour les tableaux sculptés de Khorsabad. Les actes de barbarie même qui s’y trouvent consignés semblent désigner ce souverain, car l’histoire a signalé la férocité de son caractère et l’humeur sanguinaire qui le portait aux actes de la plus horrible cruauté. Ainsi on serait presque en droit, d’après cela, de regarder comme des faits authentiques de la vie de Sennacherib ceux qui sont retracés à Khor-