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négligeaient ces précautions, et, au risque de périr, recouraient à un éclairage plus commode. Aussi les malheurs se multipliaient à raison de l’étendue des exploitations, et de 1813 à 1815 les catastrophes devinrent si fréquentes, que le gouvernement anglais dut s’en inquiéter et faire un appel à la science. Ce fut à cette occasion que le célèbre chimiste Humphry Davy inventa la lampe de sûreté qui porte son nom. Davy, reprenant des expériences dues à son compatriote Tennant, s’assura que, lorsque deux vases pleins d’un mélange gazeux détonnant ne communiquent ensemble que par des tubes d’un très petit diamètre, l’explosion ne se propage pas de l’un à l’autre. Il reconnut de plus qu’un tissu métallique composé de fils très fins et de mailles très serrées produit le même résultat. Dès-lors le problème de l’éclairage des mines lui parut pleinement résolu. Il construisit des lanternes avec une toile métallique tissée de manière à présenter quatre cents trous ou mailles dans l’étendue d’un pouce carré. Au milieu de cette enceinte protectrice brûle une lampe à huile ordinaire. L’air qui afflue et qui s’échappe sans cesse pour alimenter la combustion traverse les mailles du tissu. Si, par le mélange de gaz hydrogène carboné, il est devenu détonnant, l’explosion a lieu dans l’intérieur même de la lanterne, et la lampe s’éteint. Les ouvriers n’ont plus qu’à sortir de la galerie et à tâcher de l’assainir en dirigeant sur ce point tous les moyens d’aérage qui sont en leur pouvoir.

La lampe’ de Davy eut un succès éclatant, et les mineurs se crurent désormais à l’abri du feu grisou. Malheureusement l’expérience ne tarda pas à démentir cet espoir. Le nombre des catastrophes diminua sans doute dans des proportions considérables ; mais des malheurs encore trop fréquens vinrent convaincre les plus incrédules que l’appareil de Davy, tout admirable qu’il était, ne remplissait pourtant pas complètement les conditions désirables. Cette insuffisance tient à deux causes principales : les tissus métalliques doivent la propriété dont le savant anglais avait si heureusement tiré parti à ce que le gaz enflammé se refroidit par le contact du métal et s’éteint avant d’avoir pu communiquer le feu au dehors ; mais, quand plusieurs explosions se succèdent dans l’intérieur de la lampe, la toile rougit, et dès-lors la masse d’air environnante s’enflamme et détonne. De plus, une explosion, même très faible, peut quelquefois lancer à travers les mailles des particules de charbon embrasées, et ces petites étincelles suffisent pour déterminer les plus terribles accidens.

Il résulte des recherches de M. A. Burat que, de 1827 à 1842, les explosions du feu grisou ont tué ou mis hors de service, par suite de blessures graves, 9,602 ouvriers mineurs. Dans ce total, la France figure pour 1,500, la Belgique pour 1,802, l’Angleterre pour 6,300. Dans l’espace d’un an et demi, du mois de mai 1843 au mois de décembre 1844, 19 explosions ont porté le ravage dans les mines de ces trois royaumes, 400 ouvriers ont été tués sur place, un nombre plus grand peut-être a été brûlé ou asphyxié. Ainsi, malgré la lampe de sûreté, l’exploitation de la houille coûte encore chaque année la vie à plus de 600 personnes. On voit quel immense intérêt