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tablira toujours dès l’instant qu’elle unira les deux extrémités de la pile. L’ensemble d’une pile et des corps placés sur le trajet du courant forme ce qu’on appelle un circuit électrique. Que l’un des anneaux de cette chaîne soit formé par un corps isolant ou mauvais conducteur de l’électricité, tel que la cire à cacheter, l’air, le verre, la gomme laque, etc., à l’instant le courant est arrêté, le circuit est interrompu.

Cela posé, cherchons à employer le galvanomètre de M. Pouillet pour mesurer le temps que met une charge de poudre à brûler dans le canon d’un fusil chargé à balle. Formons pour cela un circuit électrique composé d’une faible pile, du galvanomètre et de deux fils de cuivre. Attachons l’un de ces fils au chien du fusil, l’autre à la cheminée qui porte la capsule, et disposons ce dernier à la bouche du canon, de manière à ce que la balle puisse le couper en passant. Veillons à ce que le chien de notre arme et le reste de la batterie ne communiquent par aucun corps bon conducteur. Le courant électrique ne pourra s’établir qu’à l’instant où le chien s’abattra sur la cheminée pour faire partir la capsule et enflammer la poudre. Celle-ci chassera la balle qui, à sa sortie du canon, coupera le fil de cuivre, et par conséquent arrêtera le courant en rompant le circuit. Le galvanomètre aura donc été soumis à l’action du courant électrique pendant le temps écoulé entre le choc du chien sur la capsule et la rupture du fil par la balle : sa déviation nous indiquera d’une manière précise la durée de cet instant si court. M. Pouillet, en répétant plusieurs fois cette expérience, a trouvé pour résultat 1/150 de seconde.

MM. Bréguet et Konstantinoff s’étaient proposé un but tout spécial. Ils voulaient pouvoir mesurer la vitesse d’un boulet de canon à divers points de sa course, et par conséquent il fallait en quelque sorte diviser celle-ci en un certain nombre d’étapes, et reconnaître le temps employé à parcourir chacune d’elles. Disons tout de suite qu’ils ont complètement résolu ce problème. Leur appareil construit pour le gouvernement russe est aujourd’hui à Saint-Pétersbourg, mais il a fonctionné plusieurs fois au polygone de Vincennes sous les yeux de nos ingénieurs et de nos savans les plus distingués, qui tous ont admiré l’exactitude et la précision des combinaisons mécaniques réalisées ici par M. Bréguet.

Cet appareil consiste essentiellement en un cylindre métallique d’un mètre de circonférence, disposé de manière à tourner sur son axe en accomplissant exactement une révolution par seconde. Des lignes longitudinales partagent sa surface en mille parties égales dont chacune correspond ainsi à un millième de seconde. Deux stylets placés au-dessus de ce cylindre viennent frapper sa surface, l’un au commencement, l’autre à l’expiration du temps employé aux observations, et il suffit de compter le nombre des divisions comprises entre les deux empreintes qu’ils ont laissées sur le métal, pour savoir en millièmes de secondes combien de temps s’est écoulé entre ces deux instans.

C’est pour la mise en mouvement de ces stylets que MM. Konstantinoff et