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élémens primordiaux de toute substance organisée, l’oxygène, l’hydrogène, le carbone et l’azote.

Les recherches de MM. Milne Edwards et Dumas auront, il est permis de l’espérer, un autre résultat très important à nos yeux. Elles attireront l’attention des chimistes et des physiologistes sur les animaux inférieurs. Nous n’hésitons pas à le dire avec conviction, il y a là tout un nouveau monde à explorer pour eux, aussi bien que pour l’anatomiste, aussi bien que pour le physiologiste observateur. L’étude de ces êtres si dédaignés comblerait bien des lacunes dans les séries que forment les acides, les corps gras et les autres principes immédiats du règne organique. D’ailleurs ces animaux, par leurs dimensions mêmes, se prêtent aux recherches précises infiniment mieux que ces grands mammifères qui jusqu’ici ont eu le privilège de servir aux expériences des laboratoires. Jamais on n’a tenté de faire l’analyse exacte d’un bœuf ou d’un chien. Rien de plus facile que de tenir compte, à un déci-milligramme près, des élémens d’une centaine d’abeilles ; par conséquent, les résultats fournis par ces dernières auront une certitude qu’on n’atteindra jamais en employant les premiers.


La science est chose admirable ; l’infini ne l’arrête pas. S’agit-il de reconnaître et de mesurer l’espace, elle appelle à son secours le télescope pour diminuer les distances, le microscope qui les multiplie. Elle vous dira quel est le diamètre de ces astres qui roulent sur nos têtes à des millions de lieues ; elle découvrira celui d’un de ces atomes dont des centaines disparaissent sous la pointe de la plus fine aiguille. Aujourd’hui, elle mesure la durée aussi bien que l’étendue. Pour se rendre compte des longs intervalles de temps, elle avait, depuis les premiers âges du monde, employé les phénomènes célestes ; de nos jours, elle cherche à apprécier des instans assez courts pour que notre imagination ne puisse même pas s’en faire une idée. Les instrumens qui viennent de s’ajouter à nos arsenaux scientifiques sont pour le temps ce que le microscope était pour l’étendue. Ils nous permettront de savoir ce qui se passe dans un millième de seconde, comme le microscope nous découvrait les merveilles que renferme souvent un millième de millimètre.

Plusieurs physiciens paraissent s’être préoccupés à peu près en même temps de la solution de ce problème. C’est un Anglais, M. Vheatstone, qui le premier a atteint le but ; mais il n’a pas encore publié en détail la description de ses appareils. Un officier russe, M. Konstantinoff, et un habile mécanicien français, M. Bréguet, ont construit un instrument qui mesure la vitesse d’un boulet de canon sur divers points de son trajet. Enfin M. Pouillet a présenté à son tour un appareil qui lui a permis de reconnaître combien de temps une balle chassée par la poudre met à parcourir le canon d’un fusil. Essayons de donner une idée de ces diverses solutions d’un problème que naguère on n’aurait certainement pas osé proposer.

Les inventeurs que nous venons de nommer ont tous pris le même point