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d’un effet grandiose ; c’est par de tels côtés que son histoire, malgré tout, reste supérieure[1].

Avant et depuis la publication de son histoire, M. Fauriel fit insérer dans divers recueils, et dans la Revue des Deux Mondes particulièrement, de nombreux morceaux littéraires, la plupart relatifs à son sujet favori, je veux dire à la poésie provençale. Le cours qu’il professait à la Faculté des lettres lui en fournissait le fonds. Nous aurions à rechercher soigneusement les moindres de ces articles comme pouvant nous rendre avec quelque suite les idées de l’auteur, s’ils ne devaient être beaucoup mieux représentés bientôt par la totalité de ses leçons sur lHistoire de la Poésie provençale qui s’impriment à cette heure, et qui paraîtront vers l’automne prochain[2]. Il nous suffira donc aujourd’hui de nous arrêter aux principaux articles et à ceux qui ont fait bruit. Les plus importans, de tout point, sont les douze leçons qu’il inséra en 1832 dans la Revue sur lOrigine de l’épopée chevaleresque au moyen-âge. Guillaume de Schlegel, qui en prit occasion pour envoyer au Journal des Débats des considérations sur le même sujet[3], reconnaît à la publication de M. Fauriel toute la portée d’une découverte. Jusqu’alors on accordait volontiers aux poètes et troubadours du midi la priorité et la supériorité dans les genres lyriques, et l’on réservait aux poètes et trouvères du nord la palme du roman épique et du fabliau. M. Raynouard, qui avait tant fait pour remettre en lumière l’ancienne langue classique et les productions du midi de la France, n’avait guère dérangé cette opinion reçue. M. Fauriel, le premier, par toutes sortes de preuves et d’argumens d’une grande force, vint réclamer pour les Provençaux l’invention et le premier développement de la plupart des romans de chevalerie, non-seulement de ceux qui roulent sur les traditions de la lutte des chrétiens contre les Sarrazins d’Espagne ou sur les vieilles résistances des chefs aquitains contre les monarques carlovingiens, et qui forment le principal fonds de ce qu’on nomme le cycle de Charlemagne, mais encore de ces autres romans d’une branche plus idéale, plus raffinée, et qui constituent le

  1. On peut lire dans le Journal des Savans (avril et mai 1838) deux articles de M. Patin sur l’histoire de M. Fauriel ; aux éloges si mérités qu’il lui donne, M. Patio a mêlé quelques critiques de détail auxquelles je renvoie ; j’en ajouterai une seule toute petite pour ma part : au tome IV de l’histoire, pages 207 et 227, je vois qu’il est encore question de Lantbert, comte de la marche de Bretagne, qu’on a dit être mort de la peste à la page 168 ; il y a là quelque inadvertance.
  2. En trois volumes in-8o, chez le libraire Jules Labitte, quai Voltaire, 3.
  3. Le morceau de Schlegel est reproduit dans son volume d'Essais littéraires et historiques (Bonn, 1842).