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jours après : « Voici encore du plomb, mon cher pandita, que j’ai soustrait à l’usage meurtrier que les mlîcchas en font dans leurs guerres et consacré au culte pacifique de Brahma. »

A peine retourné à Bonn, Schlegel se hâta d’écrire à Fauriel pour constituer la correspondance qui, pendant les mois suivans, fut en effet très active entre eux. Quelques extraits des lettres de Schlegel donneront idée du tour de plaisanterie qu’affectionnait l’illustre savant quand il avait bu des eaux du Gange, et du genre de services dont il se reconnaissait redevable à Fauriel, aussi bien que du cas infini qu’il faisait de lui ; M. de Schlegel, on le sait, ne prodiguait pas de tels témoignages. Bien des mots sanskrits ornent et blasonnent chemin faisant les lettres que j’ai sous les yeux ; je choisis de courts passages qui soient tout à l’usage des profanes.


« (Bonn, 21 septembre 1821.) Vous êtes adorable, mon très cher initié et deux fois né, et je ne vous échangerais pas contre quatre membres de l’Académie des quarante. Je suis tenté de vous envoyer des bonbons moulés en forme de lettres devanagari. Sérieusement, vous me rendez un service immense, et je ne sais pas comment, sans vous, la chose aurait marché. Vos nouvelles sont satisfaisantes, pourvu seulement que M. Lion ne se relâche pas… »

« (Bonn, 5 novembre.) J’ai vos deux lettres, cher Président de la typographie asiatique, et souverain intellectuel des contrées entre l’Inde et le Gange, et je ne saurais assez vous exprimer ma reconnaissance de tous les soins que vous avez pris de mon affaire. Votre avant-dernière lettre m’avait donné des inquiétudes. Croyant avoir tout calculé, je ne concevais pas quelles nouvelles difficultés s’étaient élevées. J’attends avec la plus grande impatience l’échantillon que vous me faites espérer. Vous avez donc été réduit comme moi à faire le métier de compositeur : Vichnou vous en récompensera, cela vous vaut un million d’années de béatitude pour le moins… »

(Bonn, 3 décembre.) J’ai des graces infinies à vous rendre, cher et docte Mécène, des soins exquis et savarts que vous avez voués à mon affaire. Vraiment, je ne sais pas comment cela aurait marché sans vous… M. Lion a été payé… Je suis extrêmement satisfait de son travail, si toute la fonte est aussi bien soignée que les lettres qui paraissent dans votre échantillon. Il est délicieux, j’en ai été dans un véritable enchantement ; c’est du bronze sur papier ; depuis que les Védas ont été révélés, l’on n’a rien vu de pareil. J’ai l’air de me louer moi-même, mais vous savez que c’est le privilège des poètes : Exegi monumentum oere perennius. »

(Bonn, 20 avril 1822.) Très cher ami et généreux protecteur de mes études, il y a un temps infini que je ne vous ai pas écrit ; mais j’ai fait mieux, j’ai composé un livre ou du moins une brochure pour vous. Pour qui écrirait-on